Enseigner ailleurs Prof de français à Madrid : témoignage sur une carrière de passion en Espagne
En bref
- À 26 ans, Juliette Rivet a fait sa deuxième rentrée en tant que professeure.
- Enseignant le français en Espagne, la jeune femme navigue entre deux cultures et deux systèmes scolaires.
- Originaire de la Nouvelle-Aquitaine, rien ne prédestinait l’étudiante à vivre un jour à Madrid.
Juliette Rivet, prof de Français expatriée : de la Nouvelle-Aquitaine à Madrid
Sa rentrée scolaire, Juliette Rivet l’a faite à Madrid. Et devant un tableau. Depuis deux ans, la jeune Française enseigne sa langue maternelle dans un établissement privé franco-espagnol. Devenir professeure, c’était pour elle accomplir « un rêve d’enfant », inspiré par sa « maman instit’ ». C’est au collège, grâce à une « enseignante incroyable », que sa vocation s’est ancrée profondément. Le goût des lettres, lui, ne s’affirme que plus tard, lors de ses deux années de prépa littéraire. L'originaire des Deux-Sèvres achève ensuite sa licence par une année en Langues, littératures et civilisations étrangères (LLCE), marquée par un séjour Erasmus en Espagne. Un véritable coup de cœur pour la péninsule Ibérique et, pour Juliette, un aller simple sans retour.
L’étudiante termine son cursus par un double master en Langue française appliquée (LFA), partagé entre Madrid et la Sorbonne, à Paris. L’envie d’enseigner reste intacte, mais les soucis administratifs la rattrapent : « Pour exercer, il fallait que mon diplôme de licence soit reconnu en Espagne et que je trouve une équivalence. J’ai dû attendre deux ans ! » Pendant ce temps, Juliette ne reste pas inactive : elle choisit de travailler comme assistante de langue dans un établissement scolaire. « Contrairement au professeur titulaire, l’assistant apporte le témoignage d’une personne native. J’organisais des activités ludiques, je parlais de la culture française… C’est vraiment à ce moment-là que j’ai découvert l’enseignement. »
S'adapter à la Vie et à la Culture Espagnoles : les chocs culturels
La relation entre Juliette et l’Espagne est due au hasard. Aucun sang espagnol ne coule dans ses veines, aucun de ses parents ne l’a biberonnée aux films d’Almodovar : « J’y étais seulement allée une fois en vacances, comme beaucoup de Français ! » Pourtant, à son entrée au lycée, elle s’inscrit en bachibac, une section binationale permettant d’obtenir le bac français et espagnol. Une étape décisive qui marque sa première rencontre approfondie avec la culture hispanique. « Je n’aurais jamais imaginé vivre dans une capitale, moi qui ai grandi dans la campagne vendéenne ! »
Après avoir étudié l'Espagne sous toutes ses coutures, la professeure en découvre le quotidien. « Le pays est beaucoup plus ouvert sur les questions sociétales, comme les droits des femmes et des personnes LGBT. » En revanche, elle avoue avoir eu « du mal » avec la franchise espagnole : « Ils n’ont pas la même notion de politesse et disent tout ce qu’ils pensent », plaisante-t-elle. Ici, ses élèves la tutoient. Leurs parents aussi. « C’est très étrange de recevoir un mail disant “J’aimerais te parler de mon fils. Quand es-tu disponible ?” », reconnaît Juliette. « Avec le tutoiement, il est plus difficile de garder une distance entre professeure et élèves, mais cela rend les échanges plus humains ».
Enseigner le Français à Madrid : rythme scolaire et double culture
En plus de s’immerger dans une nouvelle culture, Juliette a dû s’adapter à un autre système scolaire. La professeure de collège et lycée y apprécie le « rythme espagnol » : « Les cours se terminent à 14 h, ce qui laisse le temps aux jeunes de pratiquer des activités extrascolaires, de faire leurs devoirs et de se coucher tôt ! » En contrepartie, les vacances sont plus courtes : trois semaines en décembre, une semaine à Pâques et la pause estivale. « Ils travaillent quatre mois consécutifs entre la rentrée et Noël : c’est une période longue et épuisante ! »
Devenue bilingue, elle admet toutefois ne pas toujours comprendre le langage des jeunes espagnols : « Les rôles s’inversent : les élèves m’apprennent de nombreuses expressions ! » Si elle peut se vanter d’exercer le métier de ses rêves, Juliette garde les pieds sur terre quant à la situation de ses pairs : « Je travaille dans le privé, mais je sais que les conditions de travail dans les systèmes publics espagnol et français se dégradent. C’est un métier de passion dans lequel il faut avoir la niaque. Si on la perd, on tombe dans un cercle vicieux ». À l’aube de ses 26 ans, Juliette a fait son nid à Madrid et espère exercer encore plusieurs années : « C’est triste, mais peut-être qu’à un moment ça deviendra trop difficile ».