Santé mentale De patient à aidant : le parcours de David, médiateur de santé pair

Laura El Feky
Publié le 15-05-2025

En bref

  • Les troubles psychiques surgissent généralement entre 15 et 25 ans, un âge où se dessinent les premiers projets d’avenir.
  • David Martinelli, diagnostiqué schizophrène à l’âge de 28 ans, a transformé cette épreuve en accompagnant à son tour ceux qui traversent les mêmes difficultés.
  • Il termine une licence en alternance pour devenir médiateur de santé pair, une profession relativement récente en France et encore peu connue.
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Longtemps bénévole, la pair-aidance tend à se professionnaliser avec des formations dédiées. Crédit : Canva

Premiers signes à l’adolescence

Lorsqu’on demande à David Martinelli ce qu’il fait dans la vie, il répond sans détour : « mon parcours professionnel et mon parcours de malade se mêlent un peu. C’est le principe de la pair-aidance ». Pair-aidance ? Une forme d’entraide fondée sur le partage d’expériences entre personnes ayant vécu ou vivant une situation similaire, souvent considérée comme difficile, stigmatisante ou négative. Le principe ? Faire le pari que le vécu et le savoir lié à l’expérience d’une personne ayant traversé une épreuve peuvent soutenir, accompagner et inspirer un autre individu confronté à une situation comparable. Actuellement en licence sciences sanitaires et sociales (SSS) parcours médiateurs de santé pairs à l’université Sorbonne Paris Nord, David travaille aussi à l’établissement de santé mentale de Rueil-Malmaison. De son côté, les premiers signes de troubles sont apparus« vers 14 ans » sans que sa famille pense à la schizophrénie : « j'étais juste un peu trop reclus avec moins d’énergie et de motivation pour l’école ». Puis, surviennent à sa majorité les premiers épisodes psychotiques. Étudiant en biologie, il consomme alors cannabis et alcool, une façon « d’éliminer certains symptômes, même si ça aggrave la maladie au final ». Pendant une dizaine d’années, il alterne périodes stables et crises, jusqu’à une hospitalisation à 28 ans. Le diagnostic tombe et le traitement avec. Après un emploi dans un parc d’accrobranche, il devient jardinier à son compte. Le travail en plein air lui profite, car « le côté nature, le travail physique, ça réveille et ça fait du bien à l’esprit. ». Il devient ensuite bénévole à la Maison perchée, un café associatif d’entraide pour les jeunes vivant avec des troubles psychiques, où il découvre la pair-aidance. Inspirée de modèles comme les Alcooliques anonymes, la pair-aidance est aujourd’hui reconnue professionnellement et des formations dédiées se développent.

La licence de médiateurs de santé pairs proposée à Bobigny forme, en alternance sur 18 mois, d’anciens usagers des services de santé mentale à l’accompagnement d’autres personnes. « On suit des cours sur le rétablissement, la psychiatrie ou le droit à la santé […]. C’est un savoir moins académique que celui des infirmiers ou des psychiatres. Mon point de vue est d’ailleurs différent de celui des soignants », explique David. Il se souvient d’une réunion d’équipe où l’électroconvulsivothérapie (traitement par électrochocs) était envisagée pour un patient. « Cliniquement, c’était justifié, car le patient était de plus en plus résistant au traitement chimique, mais il avait déjà tenté de se suicider en s’électrocutant. J’ai tout de suite pensé à son vécu, pas à l’intérêt clinique ». Cette perspective a ouvert la discussion, de quoi finalement écarter ce mode de soin. Pour lui, la force de la pair-aidance repose sur l’expérience : « parfois, les soignants veulent bien faire, mais oublient le point de vue du patient. Or, on doit être traité dans sa globalité. Je fais aussi du case management, c’est-à-dire de la coordination de soin, soit d’accompagner les patients, de les remotiver et devenir ainsi leur interlocuteur privilégié ». Il compare la relation de pair-à-pair à une rencontre à l’étranger avec quelqu’un de son pays : « le lien se crée instantanément, la conversation s’engage naturellement ». Dans un service, c’est pareil : « les personnes voient qu’on a vécu des choses similaires et le contact se fait plus facilement ». Dans ce rôle, il estime « incarner le rétablissement, auprès des soignants comme des patients ».

Environ 200 médiateurs de santé pairs exercent aujourd’hui en France, principalement au sein d’une structure hospitalière ou médico-sociale. Leur rôle, fondé sur leur propre expérience, occupe une place singulière. Ils complètent sans remplacer les pratiques des autres professionnels. Leur mission va bien au-delà du soutien moral : ils assurent des permanences d’information, animent des groupes de paroles et proposent des suivis individuels. Trouver la juste posture professionnelle parmi les blouses blanches demande un véritable sens de l’équilibre. « Selon les situations, il faut savoir prendre de la distance ou, au contraire, se rapprocher, choisir entre tutoiement ou vouvoiement, prénom ou nom », explique David. Il insiste aussi sur la nécessité de prendre du recul par rapport à sa propre maladie. « Ce n’est pas le vécu qui compte, mais ce qu’on en tire », souligne-t-il. Le métier peut aussi se révéler éprouvant, notamment lorsqu’il s’agit d’accompagner des personnes hospitalisées qui sont en isolement ou en contention : « c’est des situations qu’on peut avoir vécues aussi. Ce que me confient certains patients fait souvent écho à mon propre parcours ». Malgré les difficultés, David considère la pair-aidance comme une véritable vocation. La profession reste encore émergente : « des offres existent et sont publiées, mais elles concernent généralement des personnes en formation ». Confiant, il a déjà signé un CDI et espère une revalorisation après l’obtention de son diplôme, fort du réseau qu’il s’est construit.

Focus

Pair-aidance : quels sont les bénéfices ?

Depuis plus de dix ans, le Centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) pilote en France l’expérimentation des médiateurs de santé pairs, des professionnels formés à partir de leur propre expérience du trouble psychique et du rétablissement. De nombreuses études montrent que la pair-aidance, en complémentarité avec les équipes soignantes, favorise le rétablissement, améliore la qualité de vie et le pouvoir d’agir et contribue à réduire l’autostigmatisation et les hospitalisations des personnes concernées. 

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