Documentaire « Filmer ma sœur m'a aidée face à sa dépression » : un témoignage de résilience et de sororité

Perrine Basset Fériot
Publié le 28-10-2025

En bref

  • En 2020, un événement traumatique bouscule la vie d’Elena et celle de sa sœur Julia.
  • Alors que la première sombre dans la dépression, l’aînée se met à filmer sa cadette pour l’aider à se reconstruire.
  • Cinq ans plus tard, Julia publie un documentaire sur leur histoire, « Sœurs, journal d’une reconstruction », à voir dans le carrousel de cet article et sur France.tv.
Julia a filmé la dépression de sa sœur cadette pendant quatre années.
Julia Zahar a filmé la dépression de sa sœur cadette pendant quatre années. Crédit : Beall Productions
Dans cette interview, Julia revient sur les raisons qui l'ont poussée à filmer sa sœur. Crédit : Perrine Basset Fériot - CIDJ
Suite à un événement traumatique, Elena, la sœur de Julia, plonge dans une violente dépression. Crédit : France Télévisions

Quand l'ombre de la dépression s'installe après un traumatisme

Du plus loin qu’elle s’en souvienne, Julia Zahar a toujours eu une caméra à la main. Petite, elle volait celle de son père pour filmer des courts-métrages et réaliser de fausses émissions télévisées. Avec, en personnage principal, sa sœur cadette Elena. « Ce sont des rôles qui nous correspondaient : elle aimait créer des spectacles, je préférais être derrière la caméra. » Une dizaine d’années plus tard, alors qu’elles ont 22 et 25 ans, un événement bouscule l’équilibre de la famille. Sans nouvelles depuis plusieurs jours d’Elena, partie en Inde pour ses études de yoga, les parents reçoivent un coup de téléphone leur annonçant que leur fille a été retrouvée dans un état alarmant. Ils apprennent alors qu’elle a été droguée, séquestrée et violée par un homme se revendiquant de la secte Hare krishna. « Cela a été tellement violent qu’on a rapidement décidé d’enregistrer tous nos appels avec la police, l’hôpital, les assurances, pour garder des preuves, des traces concrètes de ce qu’il se passait », se remémore Julia. À l’image du monde extérieur, en pleine crise sanitaire, la vie des Zahar se met sur pause pour rapatrier et sauver Elena. Julia ressort alors sa caméra pour soutenir sa sœur, qui sombre dans la dépression. L’étudiante scénariste met ses connaissances au service de sa famille et se plonge dans les archives de son enfance afin de créer de petits films. « Je montrais ces souvenirs à Elena lorsqu’elle rechutait, pour lui rappeler que la joie était possible. » Des ébauches d’un futur documentaire, même si Julia n'y songe alors pas encore, trop absorbée par la lutte contre la maladie de sa sœur.

"Sœurs" : le rôle thérapeutique de la caméra dans la reconstruction

Avant ce drame, Julia n’avait jamais été confrontée à la dépression d’un proche. La jeune femme, qui habite de nouveau dans sa maison familiale, vit au rythme des hauts et des bas de sa cadette. Elle ose envisager un retour chez elle lorsque sa sœur sourit à nouveau. Mais la culpabilité la rattrape rapidement. « J’appelais tout le temps mes parents pour avoir des nouvelles d’Elena, alors que je n’étais qu’à une heure de RER de chez eux, se souvient la réalisatrice. J’avais besoin d’être à ses côtés, en tant que grande sœur. » Julia tente par tous les moyens de recréer l’atmosphère de leur enfance, qu’elle voit comme une zone protégée. Si elle demeure la figure créative de la famille, sa cadette s'étant tournée vers le sport, Julia s’étonne de redécouvrir chez sa sœur des talents d’écriture, de chant, de danse… L’art thérapie l’aide alors à se reconstruire. Lorsqu’elles arrivent, les phases de rechutes plongent toute la famille dans le désarroi : « La plus difficile a été la dernière. J’ai arrêté de filmer pour ne pas regarder la réalité en face. » Julia n’avait jamais imaginé que la dépression puisse s’installer aussi longtemps dans leur vie. Devenue proche aidante, elle se repose sur le soutien d’une psychologue, de sa famille ainsi que de ses trois colocataires. Et sur sa sœur qui, malgré sa maladie, tente au mieux de prendre soin de son aînée.

Témoigner pour briser le tabou de la santé mentale

La caméra, membre à part entière de la famille Zahar, devient pour Julia à la fois une arme et un bouclier. Impuissante face à la tristesse de sa sœur, Julia passe à l’action : « Pendant ces quatre années, filmer est devenu essentiel pour transformer la noirceur du quotidien ». Les rôles s’inversent parfois, ce sont ses parents et Elena qui passent derrière la caméra. « Avec du recul, je me dis que c’était une manière pour elle de reprendre possession de sa vie. » Et la vie reprend. Comme pour tourner la page, Elena change de prénom et devient Mahau. De son côté, Julia, à bientôt 30 ans, retrouve son quotidien… ou presque. « Après avoir mis autant d’énergie à sauver ma sœur, je me suis rendu compte que je ne savais plus comment vivre seule », confie-t-elle. L’aventure professionnelle la rattrape. Entourée de ses colocataires, respectivement monteuse et productrice, Julia rassemble ses souvenirs pour en faire un documentaire « rempli d’imperfections », mais qui leur ressemble. Avec ce film, l’aînée souhaite apporter un point de vue sincère sur la dépression de sa cadette, loin des clichés qu’elle a pu elle-même avoir. Et montrer que « l’amour d’une sœur pour une autre peut (la) sauver ».

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