Pas tous égaux Dans les Outre-mer, les inégalités affectent les parcours scolaires
En bref
- Un rapport met en lumière les difficultés rencontrées par les jeunes ultramarins concernant l’accès à l’éducation.
- Ces obstacles se répercutent non seulement sur le parcours scolaire, mais aussi sur leurs conditions de vie ensuite.
- Pour garantir l’égalité des chances pour tous, créer des opportunités et soutenir le développement local, plusieurs recommandations sont formulées.
Des freins à la scolarité
Pour la première fois, le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (Coj) s’est penché sur les conditions de vie des jeunes dans les douze territoires d’Outre-mer. S’appuyant sur l’audition des acteurs locaux de la jeunesse ainsi que sur la consultation de 2 653 jeunes ultramarins, ce rapport pointe une véritable perte de chance en comparaison avec les jeunes de métropole.
Les sorties précoces du système scolaire s’avèrent significativement plus élevées dans les territoires d’Outre-mer. La part des jeunes de 18 à 24 ans ne poursuivant ni études ni formation et n’ayant pas de diplôme supérieur au brevet représente ainsi 15 % en Martinique et en Guadeloupe, et 18 % à La Réunion. Dans l’Hexagone, cette proportion s’élève à 8 %. Cette situation préoccupante s’expliquerait par un contexte éducatif complexe : distance géographique entre le domicile et l’établissement scolaire, insuffisance du nombre de places en internat, vétusté de certaines écoles ou encore conditions climatiques extrêmes.
En outre, les jeunes des DROM connaissent des difficultés de lecture importantes. Parmi ceux ayant effectué leur Journée de défense et de citoyenneté (JDC), ils sont 28 % à La Réunion, 31 % en Guadeloupe et en Martinique, 49 % en Guyane et 52 % à Mayotte à être concernés, contre une moyenne nationale de 11 %. Enfin, la part des parents sans diplôme ou possédant au plus le brevet des collèges atteint 44 % à La Réunion, 35 % en Guadeloupe et 31 % en Martinique (22 % au niveau national). Soit une combinaison de facteurs contribuant au décrochage scolaire.
Constatant que les élèves vivent des réalités très éloignées de celles de l’Hexagone, les auteurs du rapport recommandent d'intégrer au programme scolaire des temps dédiés aux cultures des territoires ultramarins afin de valoriser l’identité et de limiter le sentiment de marginalisation. Par ailleurs, les rapporteurs préconisent de délocaliser la classe de sixième dans une école primaire lorsque le collège est trop éloigné, et de l’envisager pour d’autres niveaux, tout en développant l’offre d’internats. Une solution qui permettrait d’éviter les cas de figure où les collégiens devraient « se lever à 4 heures du matin pour 2 heures de cours », comme le soulevait l’un des jeunes interrogés.
De nouvelles formations dans le supérieur et plus de connectivité
Lorsqu’ils parviennent à surmonter les obstacles le long de leur parcours scolaire, les bacheliers se trouvent confrontés à d’autres freins. À commencer par une offre de formation limitée dans l’enseignement supérieur ne permettant pas de poursuivre sur place un parcours dans le domaine souhaité. Mais aussi une inadéquation avec les besoins économiques locaux. Ce choix restreint entrainerait « découragement et abandon de la poursuite d’études » tandis que ceux qui le peuvent mettent le cap vers l’Hexagone. Une option qui s’avère coûteuse, aussi bien financièrement qu’affectivement, car il s’agit d’un véritable déracinement. Des aides financières, gérées par l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom) existent bien, mais elles restent peu connues par les concernés, et souvent insuffisantes. Aussi, le rapport propose de les référencer sur Parcoursup. Pour limiter les déplacements (et les coûts), le Coj souhaite obliger les établissements du supérieur à permettre le passage à distance des épreuves écrites et orales des concours d’entrée.
Et, « afin d’éviter les départs contraints », l’organisme mise aussi sur le développement de nouvelles formations universitaires et professionnelles dans les Outre-mer, particulièrement dans les domaines de l’agriculture, du tourisme ou de l’ingénierie. En effet, dans ces territoires où les activités en lien avec le développement durable ou le secteur maritime demeurent très présentes, il n’existe actuellement qu’une école d’ingénieurs et le premier lycée maritime des départements et régions d’Outre-mer n’ouvrira ses portes qu’en 2027 à La Réunion !
En parallèle, le rapport soutient l’expérimentation Campus connectés, dont le ministère de l’Enseignement supérieur avait annoncé la pérennisation en mai dernier. Ce dispositif offre la possibilité de suivre des études post-bac à distance, tout en profitant d’un espace dédié et d’équipements informatiques disponibles sur place. Alors que 45 % des jeunes interrogés disent avoir rencontré des freins spécifiques dans l’accès à l’emploi, en raison d’une offre d’emploi insuffisante (26 %), d’un manque de formation ou de qualification (21 %), et d'une offre peu diversifiée ou mal adaptée aux besoins (19 %), améliorer l’accès à l’éducation est essentiel. D'autant que les inégalités subies dès la scolarité se répercutent lors de l’insertion professionnelle puis, inévitablement, sur les conditions de vie. Le Coj rappelle que le taux de pauvreté chez les moins de 30 ans en Outre-mer s’élève à 85 % à Mayotte, 73 % en Guyane, 50 % à la Réunion, alors qu’il est de 10 % dans l’Hexagone.