Entreprendre autrement Reprise d'entreprise vs création : une pratique moins courante chez les jeunes, mais qui peut s’avérer gagnante

Laura El Feky
Publié le 05-11-2025

En bref

  • Créer sa boîte, c’est souvent le premier réflexe des futurs entrepreneurs pourtant, reprendre une entreprise peut être tout aussi passionnant et souvent moins risqué.
  • Préserver un savoir-faire, soutenir l’économie locale, maintenir les emplois : les bénéfices sont nombreux.
  • D’ici 2032, près de 700 000 dirigeants passeront la main, soit autant d’entreprises à céder et de relais à saisir.
reprise d'entreprise
À peine un tiers des 185 000 entreprises susceptibles d’être transmises ont trouvé repreneur en 2023, selon Bpifrance. Crédit : Canva

700 000 entreprises à céder : un potentiel de reprise immense

En France, près de 700 000 dirigeants devraient partir à la retraite dans les dix prochaines années, selon la CCI. De quoi faire rêver les candidats à la reprise d’entreprise. Sur le papier, le potentiel est immense. En réalité, c’est une autre histoire. La plupart de ces structures sont de très petites entreprises : ateliers d’artisans, boulangeries, fleuristes ou autres commerces de proximité, petites structures du BTP avec un ou deux salariés seulement. Ce qui tranche avec le profil des repreneurs que Stéphane Meunier rencontre : anciens cadres ou managers, disposant d’un apport financier important et préférant cibler des sociétés plus grandes et plus rentables. « Beaucoup de patrons nous confient qu’ils n’arrivent pas à trouver un repreneur », rapporte le conseiller Reprise-Transmission de la CCI de Paris. Derrière les rideaux qui se baissent, c’est tout un pan du tissu local qui disparaît : « un petit dirigeant, même seul, fait vivre des fournisseurs, des sous-traitants, et détient parfois un savoir-faire unique ». C’est le cas de cette artisane, bientôt à la retraite, qui fabrique et restaure des éventails avec des techniques anciennes, mais ne trouve pas de successeur. Pourtant, la transmission n’est pas un rêve inaccessible, à condition de rencontrer la bonne personne. Léa, ancienne monitrice d’équitation, en est la preuve. Après une reconversion dans le toilettage canin, elle a repris le fonds de commerce de sa tutrice de stage.

Reprendre une entreprise existante : l'assurance d'une activité qui tourne

« Ma formatrice avait envie d’arrêter pour se consacrer à autre chose, rembobine-t-elle. Au départ, je pensais devenir salariée après mes études, mais il y avait peu de postes dans ce secteur. Alors, pourquoi ne pas reprendre ? ». Peu à peu, l’idée fait son chemin. La cédante évalue la valeur de son fonds de commerce. Les deux femmes tombent vite d’accord et la vente se conclut après une demande de prêt à la banque et un passage chez le notaire. Léa reprend une partie du matériel, en rachète aussi de son côté, renégocie les contrats d’électricité et d’eau à son nom, informe le propriétaire des locaux, dont elle est locataire, et rebaptise le salon : « Swetty Dog, avec deux t, car sinon c’était déjà pris », sourit-elle. L’aventure entrepreneuriale peut alors commencer. Pour assurer la transition, la cédante reste quelque temps à ses côtés. « Certains clients ont testé ailleurs, mais sont revenus », raconte-t-elle. Un atout l’aide à fidéliser : « comme j’ai fait ma formation pratique ici, les gens me connaissaient déjà. » Aujourd’hui, Léa reçoit cinq à six chiens par jour, contre quatre auparavant, et son chiffre d’affaires se maintient. « C’est ça l’avantage d’acheter quelque chose d’existant, explique Stéphane Meunier, conseiller Reprise-Transmission à la CCI de Paris. Contrairement à une création où l’on part de zéro, la reprise s’appuie sur une structure déjà solide. Le jour où vous arrivez, l’activité tourne déjà : il y a des clients, un chiffre d’affaires et un dirigeant qui se rémunère ». Un pari plus sûr et souvent mieux soutenu par les banques.

Reprise : taux de succès élevé, mais un financement initial plus lourd

Les chiffres parlent d’eux même : « le taux d’échec d’une création avoisine les 50 % à cinq ans, alors qu’on descend à 30 % pour la reprise », affirme Stéphane Meunier. Mais cette voie, bien que plus sûre, n’est pas la plus simple. Elle suppose des garanties solides et une préparation rigoureuse pour surmonter des obstacles pas seulement financiers. « Certains ne sont pas vraiment entrepreneurs dans l’âme, ils peinent à gérer ou à développer l’activité », prévient le conseiller. S’y ajoute le facteur humain, souvent sous-estimé, le fameux « intuitu personae » : « les clients faisaient confiance à la personne, pas seulement à l’entreprise. Si celui qui rachète ne vient pas du même milieu ou n’a pas le même réseau, la clientèle peut se montrer méfiante. » Une relation de confiance entre cédant et repreneur demeure cruciale, car, sans bonne volonté des deux, la passation risque de mal se passer, surtout en famille où des relations saines sont indispensables. Et puis, il y a la question du financement. « La reprise a un coût plus élevé au départ et c’est souvent ce qui freine les jeunes ». Là où une création d'entreprise peut démarrer « avec 1€, 10€ ou 1000€ » le rachat réclame un apport significatif : « pour une société valorisée à 200 000 €, il faut environ 50 000€ d’apport et pour une entreprise à 100 000€, entre 20 000€ et 30 000€ » comptabilise Stéphane Meunier. Les banques peuvent compléter, mais sans mise de départ, le projet reste fragile. Quant aux aides, elles sont plus rares : « on peut éventuellement bénéficier d’aide par rapport au financement et au cautionnement bancaire, mais c’est tout ».

Focus

Achat des parts sociales vs achat du fonds de commerce : quel choix pour le repreneur ?

Lors d’une reprise, deux choix s’offrent au repreneur : soit il achète les parts sociales, c’est-à-dire il reprend la structure entière (dettes, engagements et litiges compris), soit il opte pour l’achat du fonds de commerce, c’est-à-dire uniquement l’activité avec son nom, sa clientèle, son matériel, éventuellement son stock.

Reprendre et développer : les clés pour réussir la transition

L’entrepreneuriat n’a jamais fait peur à Margaux Chiquet, 33 ans. Bien au contraire, elle évolue dans cet univers depuis toujours, après avoir commencé comme associée dans le cabinet de conseil fondé par son père. En 2023, elle crée une plateforme innovante, un genre de « Airbnb des espaces de travail ». Puis, à l’automne 2024, elle saisit une nouvelle opportunité : reprendre Le Rigado, un espace de coworking à Vannes. « J’avais envie d’ouvrir un lieu, mais créer de A à Z, trouver un local et un modèle économique viable, c’est compliqué », jusqu’au jour où une annonce attire son attention. Un an plus tard, elle ne regrette rien. « À mon arrivée, j’ai d’abord observé pour comprendre avant d’apporter doucement ma touche, sans tout bouleverser, même si un changement de gestion suscite forcément des attentes ». Aujourd’hui, le lieu compte une quarantaine de membres. Malgré quelques départs pour raisons personnelles, financières ou de santé, elle a su rapidement signer de nouveaux contrats. Côté gestion, elle a repris le même modèle, basé sur deux types d’abonnements et un peu de domiciliation. Dès le départ, il était convenu avec son expert-comptable de se verser un salaire et grâce à la croissance du chiffre d’affaires, elle peut même investir pour améliorer le lieu. Au final, pour elle, « reprendre est plus simple que créer, mais il faut surtout aimer le cœur de métier et faire preuve d’humilité ». Une bonne reprise, c’est avant tout « composer avec ce qui fonctionne, améliorer l’existant, sans imposer à tout prix sa vision ».

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