Sous surveillance Au CNAIP, on traque les prédateurs du net
En bref
- Le CNAIP lutte contre l'exploitation sexuelle des mineurs en analysant des images et vidéos pour identifier les pédocriminels et leurs victimes.
- Les pédocriminels utilisent Internet, notamment le dark web et les réseaux sociaux, pour manipuler et piéger les jeunes victimes.
- L'éducation aux risques numériques et la vigilance sont essentielles pour prévenir ces abus, avec un dialogue ouvert entre parents et enfants et une sensibilisation aux dangers d'Internet.
Le CNAIP : une sentinelle contre l'exploitation des mineurs
C’est à Cergy-Pontoise, au sein de la caserne Lange, que se cachent l’Unité Nationale Cyber, et le Centre National d'Analyse des Images Pédopornographiques (CNAIP). Avec le soutien des gendarmes et de la police nationale, cette petite équipe mène un combat délicat contre l'exploitation sexuelle des mineurs sur Internet. Créé en 2008, ce service spécialisé de la Gendarmerie nationale française se trouve en première ligne de la lutte contre un fléau inextinguible. « Notre cœur de métier, c'est l'analyse des vidéos et des photos saisies », explique l’Adjudant-Chef Villette, le patron du CNAIP. Chaque jour, ces enquêteurs d’un genre un peu particulier scrutent des centaines d’images fixes et animées dans le but d'identifier les pédocriminels, mais aussi leurs victimes. En effet, leur prise en charge comme leur suivi psychologique demeurent essentiels pour leur venir en aide et prévenir la naissance de potentiels nouveaux bourreaux. Les enfants ayant subi des abus, par le choc traumatique qu’ils engendrent, peuvent être amenés à reproduire un comportement agressif une fois adulte. En dépit de moyens humains limités — à peine plus d’une dizaine de militaires permanents —, le CNAIP jouit d'une reconnaissance internationale. « Les compétences de la France et du Centre sont reconnues depuis de nombreuses années », se félicite l’Adjudant-Chef Villette. De quoi placer le Centre au cœur de task-forces internationales, notamment lors de deux missions annuelles d'identification de victimes à Europol.
Un phénomène en pleine mutation
Démocratisation d’Internet oblige, la pédocriminalité a pris de nouvelles formes, plus insidieuses et difficiles à combattre. Le dark web est devenu un terrain de jeu privilégié des pédocriminels. Sur des forums, ils échangent du contenu multimédia classé par préférences comme des conseils, des astuces, et même des manuels de pédocriminalité. Plus inquiétant : la facilité pour traduire instantanément les communications en ligne a ouvert ces réseaux à échelle nationale à un public encore plus large. Et « les Français sont malheureusement de plus en plus présents », déplore le chef du CNAIP. Par la facilité d’accès à des contenus punis par la loi, un pédophile, s’il n’est encore jamais passé à l’acte, peut aisément assouvir ses fantasmes. Et dans l’esprit des enquêteurs, il ne fait aucun doute qu’une fois les barrières morales tombées, il ne reste plus que la barrière physique à franchir. Or, sur Internet, c’est au grand jour que les pédocriminels traquent et recrutent leurs jeunes victimes, notamment sur les réseaux sociaux ou les plateformes de jeux vidéo. En se faisant passer pour des jeunes du même âge, ils nouent des liens avec des mineurs, repérant leurs failles pour mieux s’en servir : problèmes familiaux, harcèlement scolaire… Petit à petit, par un savant exercice de manipulation, ils obtiennent d’eux des photos comme des vidéos. Et si les enfants et adolescents se rebiffent, ils passent au chantage ou à la menace. Et évidemment, les victimes de ces manigances n’osent pas en parler, par peur d’être punies par les adultes. L’Adjudant-Chef Villette rappelle qu’au départ, « ce n’est qu’une bêtise de jeunesse ». Non sans conséquences.
Focus
La cyber violence chez les 18-25 ans
Une étude de l'Association e-Enfance/3018 et Caisse d'épargne révèle que 60% des 18-25 ans ont déjà été victimes de cyberharcèlement, 52% de mauvaises rencontres en ligne et 44% exposés à du contenu choquant. Ces chiffres alarmants sont en hausse depuis la crise sanitaire, qui a vu le temps passé en ligne augmenter pour 90% de ces jeunes. Les conséquences sont graves : insomnies, troubles de l'appétit, désespoir (69%), risque d'addiction (51%) et pensées suicidaires (49%).
Le plus important, c’est d’en parler
Au-delà de la répression, face à cette menace, la vigilance et l'éducation aux risques numériques demeurent les plus solides remparts, insiste-t-on au CNAIP. Car la pédocriminalité exploite abondamment le manque de conscience global des dangers auxquels les jeunes se trouvent confrontés sur Internet. Ce qui était autrefois perçu comme un simple loisir, au même titre que la télévision, devient un outil de communication indispensable, que ce soit au collège ou au lycée. Internet est devenu inévitable à mesure qu’une fracture technologique se creuse entre des enfants surconnectés et des parents dépassés. Pour prendre réellement conscience des risques, entre parents et enfants, « le plus important, c’est d’en parler », martèle l’Adjudant-Chef Villette. Pour lui, il faut encourager un dialogue ouvert sur les activités en ligne des jeunes afin d'établir des règles de sécurité. Et évidemment, ça commence par ne jamais partager d’informations personnelles ou de photos intimes avec des inconnus. Les experts du CNAIP rappellent également qu’il ne faut jamais accorder sa confiance à des inconnus en ligne. Et qu’Internet n’oublie rien, car c’est une machine à duplication infinie : une image postée sur Internet n'est jamais totalement effaçable. Une fois mise en ligne, elle peut être diffusée et conservée par d'autres, à jamais. Enfin, rappellent les cyberenquêteurs, n’oublions jamais qu’une personne qui se cache derrière un profil peut être vraiment différente de ce qu'elle prétend être. En cas de doute ou de situation préoccupante, pas de tergiversations, il faut contacter les autorités compétentes ou se tourner vers des associations spécialisées. La peur tétanise, mais ne résout rien, sur Internet comme ailleurs.
Focus
En cas de problème sur Internet, vers qui se tourner ?
e-Enfance
Le site e-Enfance offre des ressources et des conseils pour protéger les enfants sur Internet. Vous y trouverez des informations sur la sécurité en ligne et comment agir en cas de harcèlement ou d’abus.
Point de Contact
Point de Contact est une plateforme permettant de signaler du contenu illicite ou inapproprié sur Internet. Vous pouvez y signaler des sites, des vidéos ou des images pouvant porter atteinte à la sécurité des mineurs.
Internet-Signalement (PHAROS)
PHAROS est un portail pour signaler toute infraction en ligne, notamment les contenus pédopornographiques ou toute forme d'abus. Les signalements sont traités par la police ou la gendarmerie.
Brigade numérique – Contacter un gendarme 7j/7 24h/24
Si vous avez besoin de contacter un gendarme pour une situation urgente ou des conseils, vous pouvez utiliser le formulaire en ligne de la gendarmerie.
Numéro d'appel pour les victimes : 3018
Ce numéro est dédié aux victimes d'abus en ligne, telles que les enfants et les adolescents. Il permet de trouver des conseils, du soutien, et d’être orienté vers les services appropriés.