Vos droits Harcèlement sexuel au travail : le reconnaître, se protéger et réagir

Isabelle Fagotat Isabelle Fagotat
Publié le 16-01-2020

En bref

  • Affaire Harvey Weinstein, mouvements #balancetonporc et #metoo,.., le harcèlement sexuel fait la une des médias depuis quelques années.
  • Du fait des rapports de pouvoir qui s’y jouent, c’est souvent dans la sphère professionnelle qu’il s’immisce. Comment le reconnaître ? Comment y faire face ?
  • Quels sont les recours ? Quels dégâts psychologiques provoque-t-il ? Les explications en vidéo d’Aurélie Thévenin, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit du travail.
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Aurélie Thevenin, avocate spécialisée en droit du travail Crédit : CIDJ

Qu'est-ce que le harcèlement sexuel ?

Où commence-t-il ? Comment l'identifier ? Que dit le droit ? Les réponses d'Aurélie Thevenin, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit du travail.

Le harcèlement sexuel au travail se manifeste par des paroles ou des comportements à connotation sexuelle, répétés ou non, qui portent atteinte à la dignité de la personne ou qui instaurent une atmosphère intimidante. Par exemple, recevoir de manière quotidienne ou régulière des courriels contenant des propos déplacés, ou faire l’objet de réflexions sur sa tenue vestimentaire ayant une connotation sexuelle, relève du harcèlement. Les gestes déplacés ou les allusions explicites, même s’ils ne sont effectués qu’une seule fois, mais poussent la personne à accepter une relation sexuelle, entrent également dans ce cadre.

Contrairement à une simple tentative de séduction ou de drague, même maladroite, le harcèlement sexuel implique souvent une situation dans laquelle la victime fait refuse ces avances et n’a aucune volonté de créer une relation intime avec l’auteur des faits, qu’il s’agisse d’un employeur, supérieur ou collègue.

Il faut savoir que le harcèlement sexuel ne nécessite pas obligatoirement un lien de subordination : il peut exister entre collègues et repose uniquement sur la nature des actes et leur impact sur la victime. Cependant, en pratique, le harcèlement apparaît plus fréquemment dans une relation hiérarchique où l’auteur se considère comme étant à l’abri des sanctions. Le rapport de pouvoir peut alors dissuader la victime de se tourner vers la hiérarchie pour dénoncer les faits, notamment lorsque l’auteur occupe une position supérieure ou est l’employeur. 

Quelles sont les conséquences du harcèlement sexuel, comment y faire face ?

Parce qu'il humilie et porte atteinte à la dignité de la victime, le harcèlement sexuel peut avoir de graves conséquences psychologiques. Si l'on est victime de harcèlement sexuel, il est donc nécessairement de réagir rapidement et d'en parler.

Les dossiers de harcèlement sexuel au travail sont de plus en plus nombreux, en raison de la médiatisation accrue de ce sujet ces dernières années. Si jusqu’à récemment, les victimes avaient souvent du mal à s’exprimer, la parole se libère progressivement, permettant davantage de recours en justice et une meilleure reconnaissance des difficultés rencontrées.

Dans la plupart des cas, les personnes touchées finissent par être en arrêt de travail ou font face à des troubles anxio-dépressifs, voire à de profondes dépressions, rendant le retour au travail impossible. Même si chaque fait n’apparaît pas forcément grave pris isolément, la répétition des actes fait basculer la situation, surtout lorsque la victime doit quotidiennement subir des réflexions sur sa tenue, sa démarche ou son apparence physique. Cette violence ordinaire devient vite insupportable et entraîne un effondrement psychologique, souvent après plusieurs mois ou années à tenter de faire face en silence, de peur de perdre son emploi ou de s’engager dans un conflit avec l’employeur.

Le harcèlement sexuel a ainsi des conséquences lourdes et durables sur la santé mentale des victimes. Face à ce type de situation, il est essentiel d’agir rapidement pour préserver son état de santé, faire cesser les agissements et retrouver la possibilité de se reconstruire et de passer à autre chose. 

 

Quels recours en cas de harcèlement sexuel au travail ?

Comment réagir lorsque l’on est victime de harcèlement sexuel au travail ? A qui s'adresser ? Quelles preuves fournir ? Aurélie Thevenin, nous explique en détail les recours possibles.

Dès que l’on ressent une situation de harcèlement sexuel au travail, il est essentiel d’en parler immédiatement, d’abord en interne au sein de l’entreprise. Cette première étape permet, si possible, d’engager la responsabilité de l’auteur et de faire cesser les agissements. Selon les circonstances, la victime peut se tourner vers l’employeur (à condition qu’il ne soit pas l’auteur des faits), la direction des ressources humaines, les représentants du personnel. Ces acteurs peuvent utiliser leur droit d’alerte ou lancer une enquête interne, notamment en interrogeant les collègues témoins.

La victime peut aussi solliciter l’inspection ou la médecine du travail pour signaler les faits. À ce stade, il est primordial de réfléchir aux preuves à réunir : arrêts de travail (présomption de harcèlement et de conséquences psychologiques), attestations de collègues, documents écrits ou tout élément permettant d’établir la présomption de harcèlement sexuel.

Le choix d’agir en justice dépend de la situation : souvent, la victime préfère quitter son emploi, surtout si l’auteur des faits n’est pas sanctionné. Deux voies légales sont ouvertes : le conseil des prud’hommes, qui traite la rupture du contrat de travail et l’indemnisation du préjudice, et la procédure pénale, puisque le harcèlement sexuel est une infraction.

La victime peut ainsi saisir le conseil des prud’hommes par requête, ou déposer plainte au commissariat, à la gendarmerie, ou directement auprès du procureur de la République. Le code pénal prévoit, pour le harcèlement sexuel, une peine de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, montant porté à trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes, notamment en cas de soumission ou de pression. Il s’agit là toutefois des seuils maximums, rarement prononcés dans la réalité judiciaire.

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