Fast-fashion Concilier mode et écologie, le défi de la Gen-Z
En bref
- Acheter moins, acheter mieux : la promesse séduit sur le papier, mais dans les faits, la fast-fashion continue de faire recette auprès des 15-30 ans.
- Entre conscience écologique et accès à la mode à bas coût grâce à la fast-fashion, beaucoup peinent à arbitrer.
- Bonnes pratiques et alternatives durables : comment réconcilier style et préservation de l’environnement ?
S’habiller éthique, mais avec style : une équation difficile
« J’évite d’acheter du neuf, surtout dans les enseignes de fast-fashion qui exploitent les Ouïghours. » Par conviction écologique, mais aussi humaniste, Catalina privilégie désormais la seconde main. Un virage récent pour cette étudiante de 18 ans qui, au collège comme au lycée, faisait comme tout le monde : « Suivre la mode, comme acheter la dernière paire de chaussures en vogue, et évidemment tout cela ne provenait pas de marques éthiques ». Prise de conscience ? Oui, comme beaucoup de jeunes Français à en juger par les enquêtes d’opinion. Selon une étude de l’association Oxfam en 2022, 72 % des 18-35 ans seraient prêts à changer de marques pour privilégier celles qui respectent les droits humains et l'environnement, et 40 % assurent déjà acheter moins par souci écologique. Toutefois, d’autres études portent à croire que cette conscience écologique est tempérée par une frénésie d’achats encouragée par les ténors de la fast-fashion. Ainsi, selon l’Agence de la Transition écologique (Ademe), un Européen achète, en moyenne, 40 % de vêtements de plus qu’il y a 15 ans, « et les conserve moitié moins longtemps. » Pour comprendre, il faut suivre le rythme… de sortie des collections de prêt-à-porter : de deux annuelles en 2000, certaines enseignes en proposent jusqu'à 24 aujourd'hui. « Entre les pubs, les réseaux sociaux, les nouvelles sorties quotidiennes, c’est compliqué de garder le cap de mes engagements ! », reconnaît Ramona, 21 ans. D’autant que cette politique de prix bas n’aide pas à raison garder comme le rappelle Maxence : « difficile de résister à toutes les tentations des marques bon marché. » Si bien que l’élève de prépa physique à Paris admet sans ambages ne pas encore intégrer l'impact environnemental dans ses choix vestimentaires.
Se poser les bonnes questions : on n’y est pas encore
Catherine Dauriac, présidente de Fashion Revolution France, une association qui œuvre en faveur d’une mode plus éthique et responsable, reconnaît ces « dilemmes » auxquels fait face la nouvelle génération. « Il est évident que les adolescents, comme les jeunes adultes, n’ont pas beaucoup d'argent. Dans le même temps, ils ont de gros besoins en vêtements. Certains grandissent encore, d’autres veulent ressembler aux copains, la fast-fashion et l'ultra fast-fashion s’avèrent donc très tentants pour ce public. » En intervenant dans les écoles et les collèges à travers la France, l’association de Catherine Dauriac essaye ainsi de marquer les esprits en incitant les jeunes à se poser « les bonnes questions » : « À quand remonte mon dernier achat ? Qui a fabriqué mon vêtement ? Dans quel pays ? Pourquoi ai-je ressenti l’envie d’acheter cet habit ? Combien de pièces est-ce que je possède déjà dans mon armoire ? La plupart du temps, les élèves sont bien incapables de répondre à ces questions et continuent pourtant d’acheter, que ce soit en première ou en seconde main. »
Une loi « anti fast-fashion » bientôt discutée au Sénat
Afin d’encourager le recours à une consommation plus responsable, l’association Fashion Revolution propose des ateliers et des tutos concrets disponibles en ligne, pour apprendre à repérer les marques éthiques, à réparer ses vêtements, ou rafraîchir une vieille garde-robe. « C’est en transformant ce qu’on a déjà, au lieu de racheter, que le citoyen peut changer les choses à son échelle », affirme Catherine Dauriac. Pour la présidente, les incitations à mieux (donc moins !) consommer doivent aussi passer par le levier législatif. « En France, plusieurs lois ont déjà prouvé leur efficacité, que ce soit pour limiter la consommation d’alcool avec la loi Evin ou de cigarettes avec la loi-tabac et publicité », rappelle-t-elle. Encadrer la promotion des vêtements à bas prix représenterait « un pas de géant pour l’environnement et les droits humains ». Dans cette optique, une proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale de l’industrie textile doit être examinée par le Sénat en juin 2025. Adopté à l’unanimité à l'Assemblée nationale en 2024, le texte prévoit notamment l’interdiction de la publicité pour la fast-fashion ainsi que l’instauration d’un « malus » financier destiné à compenser l’impact écologique des vêtements dits « jetables. »