J'ai testé pour vous Comment assister à une audience au tribunal ? Guide pratique

Fiona Simoens
Publié le 08-12-2025

En bref

  • Suits, Murder, The Good Wife... notre vision de la justice passe parfois uniquement par des séries audiovisuelles étrangères (souvent américaines).
  • En France, assister à une audience permet de découvrir le rôle de chaque professionnel, le déroulé des affaires et la manière dont les peines se décident.
  • Une expérience accessible à tous et qui éclaire un pan souvent méconnu de la vie publique.
Audience dans un tribunal
Assister à une audience permet de se rendre compte du fonctionnement de la justice française. Crédit : Gorodenkoff - iStock
Pour devenir magistrat, il faut passer un concours accessible aux titulaires d'un bac + 4. Crédit : ministère chargé de la Justice

La justice est-elle accessible à tous ?

À moins de faire partie de l’institution judiciaire ou de se retrouver confronté à la justice (ce que je ne vous souhaite évidemment pas), les tribunaux nous restent inconnus. Pourtant, tout le monde peut entrer dans ces lieux primordiaux pour la société française et assister aux audiences. Hormis celles jugées en huis clos (justice pour mineurs, familiale...), toutes les séances sont ouvertes au public. Pour mieux comprendre comment fonctionne la justice, je me suis rendue au Tribunal de Paris, dans le 17ᵉ arrondissement.  

D’un point de vue pratique, sachez que certains objets ne peuvent pas entrer dans l’enceinte d’un tribunal. Sans surprise, c’est le cas des armes et des engins à deux-roues, mais également des bouteilles en verre et des gourdes. Si vous en possédez une, comme ce fut mon cas, vous devrez l’abandonner à l’entrée de l’établissement.

Après le passage des portiques de sécurité, je me rends dans une salle d’audience recommandée par l’agent d’accueil. Non sans mal : des panneaux directionnels existent, mais le bâtiment reste immense... ce qui ne facilite pas mon orientation. À l’entrée de la 1ʳᵉ salle, la personne en charge de la sécurité me conseille d’autres audiences, plus « intéressantes ». Me voilà repartie dans les méandres des couloirs, jusqu’à la deuxième salle où je passerais la matinée.  

Une fois dans la salle, l’utilisation du téléphone portable est interdite. J’ai choisi de rester dans la même salle pour observer comment se déroulait une affaire entière, mais vous pouvez entrer ou sortir de la salle à tout moment (avec discrétion, bien entendu).  

Focus

Affaire civile vs affaire pénale

Les affaires civiles correspondent à des litiges entre personnes privées. Il peut s’agir de problèmes familiaux ou liés aux personnes (divorce, filiation, demande de curatelle...), aux biens mobiliers ou immobiliers, à la Sécurité sociale... Certaines ne présentent pas de litiges, mais restent soumises au jugement. Il s’agit par exemple des adoptions.

Les affaires pénales visent les comportements qui portent atteinte au bon fonctionnement de la société. Le prévenu est donc mis en cause par une instance chargée de représenter les intérêts de la société (le procureur de la République).

Comment se déroule une matinée au tribunal ?

« Levez-vous ». Ces mots ponctuent l’entrée dans la salle du magistrat. J’assiste dans un premier temps à l’annonce de deux délibérés d’affaires précédentes, en présence des accusés. Viennent ensuite trois affaires qui vont se dérouler de l’explication de la situation au verdict : deux pour violences conjugales, une pour exercice illégal de la profession de VTC. Ces affaires représentent des délits (voir encadré) et sont jugées, dans ce cas, par comparution par procès-verbal.

Quel que soit leur motif, les audiences se déroulent globalement de la même manière. Le juge appelle le prévenu, vérifie son identité et l’informe qu’il a « le droit de garder le silence, de faire des déclarations ou de répondre aux questions ». Dès cette première étape, le juge et la procureure peuvent se forger une idée du prévenu. Dans l’une des affaires de violences conjugales, l’accusé demandait, le jour même de l’audience, un interprète alors même que la procureure savait qu’il comprenait et s’exprimait sans difficulté en français. Le ton de la procureure s’est alors durci, jugeant que le prévenu cherchait juste à gagner du temps.  

La présentation des faits suit immédiatement, appuyée des procès-verbaux des autorités (police, gendarmerie...). La victime ou son avocat peuvent compléter ces éléments. La parole passe ensuite du côté de l’accusé : reconnaît-il les faits ? Si la réponse est positive, le juge cherche à comprendre si le prévenu a bien réfléchi à la situation : pourquoi a-t-il commis les actes dont il est accusé ? Qu’est-ce qui l’a amené à agir comme tel ? Si la réponse se révèle négative, la série de questions vise à éclaircir les points de désaccord et à recueillir la version de l’accusé. 

Focus

Contravention, délit, crime : quelles différences ?

On distingue 3 types d’infractions :  

  • La contravention : jugée par le tribunal de police, elle peut donner lieu à une amende et à des sanctions restrictives (exemple : suspension du permis de conduire) mais pas à une peine de prison ;
  • Le délit : c’est le tribunal correctionnel qui statue sur ce type d’infraction. Les prévenus encourent jusqu’à 3 750 € d’amende et 10 ans d’emprisonnement (ou alternative à la détention) ;
  • Le crime : infraction la plus grave, le crime est jugé par la cour d’assises ou la cour criminelle. Les accusés risquent une peine de prison plus lourde que les délits, pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.  

Les règles de conduite à respecter lors d'une audience

La situation personnelle des individus occupe aussi une place importante dans le jugement. Tout au long des débats, le juge prend en compte différents éléments de vie, comme les difficultés familiales, la situation professionnelle ou encore le parcours de vie (enfance...). Pas pour justifier les actes, mais pour avoir une vision globale de l’affaire.

La victime, ou son avocat, peut demander réparation avant que la procureure prenne la parole pour exposer sa réquisition. Je connaissais quelques règles de justice, notamment les différentes modalités de peines (aménagements, sursis...) et cela m’a aidée à comprendre les demandes de la procureure. Par exemple, dans la deuxième affaire, le ministère public demandait 8 mois de prison et la révocation du sursis de 5 mois. La peine entière se serait alors élevée à 13 mois : au-delà d’un an de prison, impossible d’aménager une peine dès le départ.

La parole passe une nouvelle fois du côté de la défense, puis l’affaire se trouve mise en délibéré. La séance suspendue, tout le monde sort de la salle et attend la reprise. Pendant les vingt minutes de pause, je me repasse le déroulé de ce à quoi je viens d’assister. Les deux affaires de violences conjugales m’ont particulièrement touchée, d’autant plus que le juge explicite les affaires en mentionnant les coups, les insultes proférées et autres menaces. J’ai également pu observer qu’en cas de récidive ou d’antécédents judiciaires, le ton du juge et de la procureure se durcissait sensiblement.

Mieux comprendre la justice

À la reprise de l’audience, les verdicts des affaires tombent : les trois prévenus sont reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés. Le juge expose les peines auxquelles ils se retrouvent condamnés, du sursis probatoire aux obligations de soins en passant par des mesures d’éloignement. Autant de termes qui, si je les connaissais vaguement, deviennent un peu plus concrets. Le juge explique clairement aux accusés leur peine et, en cas de sursis, ce qu’ils doivent réaliser pour rester libres de leurs mouvements.  

Les peines tiennent compte du profil du prévenu, mais également de ce qui a été requis par la procureure et par la victime ou son avocat. Dans le cas de la deuxième affaire, la peine finale a été ramenée à 11 mois de prison (peine + révocation du sursis) ce qui autorise finalement l’aménagement. Après une dernière affaire jugée sans la présence du prévenu (qui avait 44 condamnations à son actif), la séance est levée.  

Pendant ces trois heures, j’ai pu observer concrètement comment la justice fonctionnait, du juge qui pose les questions au greffier qui transmet les documents administratifs à l’accusé, en passant par l’avocat qui défend son client ou la procureure qui demande les peines. Pour chacun, cette expérience permet d’observer un pan du quotidien des professionnels de la justice, mais aussi d’apercevoir comment la société règle ses conflits.

Focus

Quel tribunal choisir pour une première visite ?

Dans la mesure où la justice est rendue de manière publique, tous les citoyens peuvent entrer dans un palais de justice et assister aux audiences, hormis celles jugées en huis clos. Aucune condition d’âge n’est à signaler, ce qui signifie que les mineurs peuvent y assister. Cependant, le président de séance peut leur refuser l’accès d’une salle si les débats risquent de les choquer. En fonction de votre tribunal, renseignez-vous sur leur site pour connaître les horaires d’ouverture et, éventuellement, le programme des audiences. En règle générale, des séances ont lieu toute la journée.

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