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Comment lâcher prise cet été pour vivre une rentrée plus sereine ?

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Comment lâcher prise cet été pour une rentrée plus sereine ?

L’année scolaire terminée et les restrictions sanitaires allégées sonnent la reprise d’une vie un peu plus « normale ». L'été est le moment idéal pour reprendre des activités et faire le point si nécessaire avant la rentrée. Chacun d’entre vous a vécu cette période de façon différente, il n’y a donc pas qu'une seule façon de se ressourcer.

Cette année encore, la crise sanitaire a eu des conséquences sur votre bien-être, votre vie sociale et votre scolarité. Robin Jaffrennou, psychologue clinicien à la Maison des adolescents Robert Debré à Paris, et Karine Meyer, éducatrice spécialisée au sein de l’un des Points accueil écoute jeunes de Paris, vous donnent quelques pistes pour bien profiter de l’été afin de relâcher la pression et d'aborder la rentrée de manière plus sereine.

Après des mois de restrictions, de quelle manière lâcher prise cet été ?

Robin Jaffrennou : « L’idée, c’est de réinvestir les différents champs de la vie. Il faudrait aller vers l’extérieur, se sociabiliser, recommencer à faire tout ce qu’on ne pouvait plus faire durant cette période. Mais aussi aller découvrir de nouvelles choses en allant un peu vers l’inconnu. Il faudrait pouvoir profiter de ce qui est nouveau, de ce qui peut surprendre. »

Karine Meyer : « Il faut créer du plaisir là où il n’y en a pas eu depuis longtemps, aller chercher le contact avec d’autres. Lâchez-vous, en gardant à l’esprit les gestes barrières bien entendu ! »

Robin Jaffrennou : « Il y a une certaine euphorie individuelle et collective. On peut se sentir tout puissant, un peu exalté, avec l’envie de tout faire, c’est normal. Attention à ne pas être dans l’excès. Ne pas se dire, par exemple, " le couvre-feu est terminé, je vais passer une semaine de nuits blanches ". Il faudrait rester dans un certain équilibre, ne pas passer brutalement du rien au tout. »

Karine Meyer : « Les vacances doivent être un sas pour souffler. Si vous ne partez pas ailleurs, profitez de ce qui est proposé autour de chez vous. Pousser la porte d’un musée, c’est aussi s’évader. »

Robin Jaffrennou : « L’idéal serait de partir en vacances, car loin de son environnement quotidien, on est obligé de faire face à l’inconnu. Et c’est une bonne chose. Pour ceux qui ne peuvent pas, sortez de vos habitudes pour casser cette routine un peu mélancolique et méfiante vis-à-vis de l’extérieur. C’est plus difficile de se mobiliser quand on reste chez soi, cela demande plus de créativité et de ressources, mais ce n’est pas impossible. »

Faut-il consacrer une partie de l'été à étudier ?

Robin Jaffrennou : « La durée des vacances d’été est pensée pour que les jeunes puissent investir autre chose. Leur vie n’est pas uniquement centrée autour de la scolarité et des apprentissages. Au moins la moitié de cette période doit être consacrée à de vraies vacances. Ce serait absurde de se dire, " je lâche une semaine et après pendant 8 semaines, je travaille mes cours pour retrouver le niveau que l’on attend de moi ". S’il y a vraiment des difficultés qui ont été repérées, pourquoi ne pas reprendre quelques points du programme mais sans accaparer toutes ses vacances. Il ne s’agit pas de travailler dix heures par jour. »

Karine Meyer : « Bien sûr, certains sont inquiets après ces mois de cours à distance ou hybrides. Ils se demandent s’ils ont le niveau. Les enseignants ont un rôle à jouer, ce sont eux qui pourront détecter les jeunes en difficulté. Il existe des ateliers pour faire le point au niveau scolaire et repartir avec des outils pour s’en sortir. Nous en proposerons au PAEJ en septembre, par exemple, mais d’autres structures orientées jeunesse proposent aussi des accompagnements. Cependant, je pense que, particulièrement cet été, les jeunes ont d’abord besoin de se vider la tête. »

Que faire des réflexions et projets envisagés durant la crise sanitaire ?

Robin Jaffrennou : « Les projets imaginés par les uns vont se concrétiser quand d’autres vont être confrontés à la réalité et être déçus. Certains ont peut-être fantasmé leur vie d'après la reprise. Je pense, par exemple, aux étudiants qui étaient en première année et n’ont quasiment pas connu la fac. Ils vont peut-être se rendre compte que ce n’est pas si facile de créer des liens dans les grands amphis. Le retour en septembre ne va pas être simple pour tout le monde. »

Karine Meyer : « Quel que soit le projet mûri durant cette période, il est préférable d’en parler autour de soi avant de le mettre en pratique. Certains envisagent un changement d’orientation, mais les parents ne vont pas forcément être d’accord, et cela peut être source de conflit. Pour d’autres, les décisions prises et les projections imaginées sont comme une fuite en avant. Ils se disent " je vais abandonner ça pour faire ça et je verrai bien ". C'est bien de vouloir donner un souffle nouveau à sa vie, mais ça ne veut pas dire qu'il faut abandonner tous ses projets antérieurs. »

Robin Jaffrennou : « Quoi qu'il en soit, la crise a été un moment propice pour repenser à soi, à la direction que l’on a envie de prendre dans sa vie. Il ne faut pas mettre cette réflexion de côté et l’oublier. Il va falloir en garder quelque chose. »

Reprendre une vie « normale » peut-il faire peur ?

Robin Jaffrennou : « Chacun a retrouvé un équilibre un peu précaire pour avancer durant cette crise et est entré dans une routine, une petite bulle, parfois très confortable. Pour tout le monde, la reprise n’est pas évidente. Avec la levée des restrictions, il ne faut pas avoir cette illusion de retrouver la vie d’avant. Il y a des choses que l’on va retrouver, bien sûr, mais, dans la vie on continue d’avancer avec des repères qui parfois sont les mêmes ou parfois ont bougé. Les jeunes qui vont bien n’auront pas de problème à vivre cette transition. Ceux qui ont vécu difficilement l’isolement et les restrictions ou qui avaient déjà des difficultés dans leurs relations avec les autres ou un manque de confiance en soi, auront peut-être besoin de soutien pour retourner vers l’extérieur ».

Karine Meyer : « Certains jeunes en difficulté ont su faire preuve de créativité pour s'adapter à la situation. Subissant une baisse importante de leurs revenus, ils s'organisaient pour aller récupérer les invendus dans les marchés pour avoir de quoi manger. Je pense qu'ils auront moins de mal à reprendre "une vie normale" à la rentrée.
Mais, il ne faut pas oublier que le groupe est structurant pour les adolescents, ils évoluent en miroir, ils se voient dans les yeux des autres. Alors, même s’ils avaient les réseaux sociaux et le téléphone, certains jeunes ont tout de même été isolés et ont perdu leurs repères. Pour beaucoup, il y a l’inquiétude de savoir s’ils vont retrouver leur place au sein du groupe. En tout cas, c’est important de ne pas rester cloîtré chez soi par crainte. Il faut faire cet effort et ne pas hésiter à demander de l’aide si c’est trop difficile. »

Vers qui se tourner ?

Robin Jaffrennou : « Il est possible de reprendre progressivement des activités, notamment dans des structures comme des maisons de quartier, où il y a un encadrement et sur lesquelles on peut prendre appui. Retrouver des activités collectives au sein de ces lieux est un bon point de départ. »

Karine Meyer : « Se tourner vers des lieux d’accueil destinés aux jeunes, comme les Points accueil écoute jeunes qui existent un peu partout en France. Les animateurs en maisons de quartier sont de plus en plus formés pour être à l’écoute des jeunes. Il ne s’agit pas tant de suivi psychologique comme on pourrait s’imaginer, on est davantage dans un accueil des doutes et des angoisses de la reprise. Les jeunes vont pouvoir déposer une parole, se délester de ce qu’ils ont vécu durant ces derniers mois. Et aussi vivre des moments de groupe avec d’autres, où ils vont s’apercevoir qu’ils ne sont pas seuls à avoir vécu la même chose ».

Et si, malgré tout, un mal-être persiste ?

Robin Jaffrennou : « Si cela reste difficile, il faudrait aller vers des lieux où l’on va pouvoir questionner son mal-être, comme une maison des adolescents, par exemple. Ce sont des lieux où se poser, faire le point, comprendre ce qui se passe en soi et, des fois, cela est suffisant. Mais certains vont s’apercevoir que leur mal-être n’est pas uniquement dû à la crise sanitaire, celle-ci a pu être un révélateur de difficultés existantes. »

Karine Meyer : « Le mieux c’est d’en parler, de trouver un relai pour une écoute. Des séances gratuites de consultation chez un psychologue ont été mises en place pour les jeunes, pour les aider à faire le point, à se rassurer et à surmonter leurs difficultés face aux conséquences de cette crise. »

 

Soutien psychologique pris en charge

Pour aider les jeunes à faire face à la crise sanitaire et à ses conséquences sur leur bien-être, l’État a mis en place deux dispositifs qui permettent d’accéder à des consultations psychologiques prises en charge.

Le dispositif PsyEnfantAdo s’adresse aux 3-17 ans en souffrance psychologique d’intensité légère à modérée. Il permet d’accéder jusqu’à 10 séances sans avance de frais pour les familles jusqu’au 31 janvier 2022.
Pour en bénéficier, il faut une ordonnance médicale qui peut être établie jusqu’au 31 octobre 2021. C’est le médecin qui évaluera si une prise en charge est nécessaire ou non.
La liste des psychologues partenaires est disponible sur le site https://psyenfantado.sante.gouv.fr

Le dispositif Santé Psy Étudiant permet aux étudiants en difficulté d’accéder à 3 séances de 45 minutes avec un psychologue sans avance de frais.
Pour en bénéficier, il faut une ordonnance d’un médecin généraliste ou d’un médecin d’un service de santé universitaire.
La liste des psychologues agréés par une université est disponible sur le site https://santepsy.etudiant.gouv.fr
Si nécessaire, le médecin peut prescrire 3 nouvelles séances prises en charge par le dispositif.
Lancé en mars dernier, le dispositif devrait être reconduit à la rentrée 2021.

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Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 15-07-2021 / créé le 05-07-2021