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Violences sexuelles et sexistes : universités et grandes écoles ne sont pas épargnées

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Violences sexuelles et sexistes : universités et grandes écoles ne sont pas épargnées

À l’heure où les témoignages se multiplient, où les victimes prennent la parole - notamment sur les réseaux sociaux - où en est-on des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur ? Une enquête, à paraître fin mars, devrait donner le pouls de la population étudiante sur ces questions.

Parmi les 183 186 victimes de crimes et délits à caractère sexiste et sexuel enregistrés en 2018 par les forces de sécurité, 159 228 sont des femmes. Ce sont des chiffres du ministère de l’Intérieur repris dans le 2e rapport annuel sur l’état du sexisme en France qui vient d’être publié. Et, malheureusement, l’enseignement supérieur n’échappe pas à ces violences.

C’est pourquoi, l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur a lancé, en juin dernier, une vaste enquête en ligne pour évaluer les violences subies dans l’enseignement supérieur ainsi que leur ampleur. Ouverte jusqu’en décembre 2019, cette enquête a recueilli plus de 10 000 réponses, en majorité d’étudiantes. « Notre objectif est de faire ressortir les violences sexuelles et sexistes qui existent dans l’enseignement supérieur », déclare Iris Maréchal, co-présidente de l’association, qui nous donne une première tendance avant la publication des résultats fin mars.

Violences sexuelles et sexistes : ça commence dès les études supérieures

« L’enquête sert aussi à évaluer les connaissances des étudiants sur les questions de violences sexuelles et sexistes. Car souvent, les victimes ne réalisent pas qu’elles sont des victimes ou qu’elles ont subi des violences à caractère sexiste ou sexuel. Nous voulions savoir aussi si les étudiants ont connaissance des conséquences pénales et judiciaires de ces actes », explique Iris Maréchal. « Lorsqu’on interroge les répondants sur les causes qui expliqueraient les violences sexuelles et sexistes, quatre causes sont les plus citées parmi les différentes propositions : l’effet de groupe, l’impunité, l’éducation des étudiants, l’alcool.  " La tradition des associations ", l’une des propositions de réponse du questionnaire, ne fait pas partie des causes les plus citées. Pourtant les grandes écoles seraient des terrains propices à ces violences car elles sont organisées en campus : les lieux de cours et les logements se situent à proximité. C’est moins vrai pour les universités », poursuit-elle.

« Ces campus sont des enclaves temporelles dans lesquelles les étudiants sont convaincus qu’il faut qu’ils profitent un maximum de leur jeunesse. C’est un lâchage institutionnalisé », analyse la sociologue du CNRS Isabelle Clair, interrogée par Médipart dans son enquête parue le 20 janvier dernier Humiliations sexuelles, homophobie, sexisme : voyage au sein des grandes écoles de commerce françaises. Ces dernières années, des mouvements comme #MeToo ont libéré la parole des victimes dans divers milieux professionnels. L’enseignement supérieur ne pouvait plus ignorer ces violences en son sein. Alors certaines écoles ont agi en interdisant des publications sexistes existant depuis des décennies, comme à l’Essec ou à HEC. Mais « le sexisme ordinaire et les violences persistent », déplore le rapport annuel sur l’état du sexisme en France en 2019 qui vise aussi les écoles d’ingénieurs. Ce sexisme (pratiques humiliantes, photomontages dégradants etc.) a notamment cours lors de week-end d’intégration ou de soirées étudiantes sous couvert de décompresser après le stress engendré par la préparation au concours d’entrée et les années intenses de prépa. Une fois qu’ils ont intégré l’école de leur choix, les étudiants bénéficient d’un répit. De courte durée certes, car la concurrence entre élèves lors des examens par exemple, favorise les attitudes sexistes et la remise en cause de la place des femmes dans ces écoles.

Violences sexuelles et sexistes : les universités et grandes écoles appelées à réagir

« On constate globalement qu’il y aurait un type de violence par type d’institution, dévoile Iris Maréchal. En école de commerce, les violences se font plutôt entre étudiants, plutôt durant les soirées et événements de l’école ; dans les filières de santé comme médecine, les étudiants subissent des violences de la part de maîtres de stage ; dans les filières comme le droit ou Sciences politiques, les violences émanent plutôt des professeurs envers les étudiants. » Quelles sont ces violences ? Elles vont des propos et actes sexistes aux violences sexuelles (agressions, viol).

Rappelons qu’un certain nombre de mesures ont été préconisées par le ministère de l’Enseignement supérieur pour lutter contre ces violences. Par exemple, la mise en place d’une cellule d’écoute dans chaque université. Selon Mediapart, au moment de son enquête, « aucune de ces écoles [HEC, Essec, Edhec ndlr.] n’a nommé de référents formés aux violences sexuelles et sexistes, ni mis en place de cellule d’écoute dédiée ».

« Avoir mis en place un questionnaire montre que le sujet des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur est un sujet important et pas uniquement pour les personnes victimes, pour tout le monde », déclare Iris Maréchal qui précise que l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur est sollicité par des écoles pour mettre en place des questionnaires dédiés afin  d'obtenir des données propres à leur établissement.

Des numéros utiles
39 19 Violences Femmes Info, coût d'un appel local depuis un fixe ou un mobile, du lundi au vendredi de 9h à 22h ; samedi-dimanche-jours fériés, de 9h à 18h.
0 800 05 95 95 SOS Viols Femmes Informations, coût d'un appel local depuis un post fixe, du lundi au vendredi de 10h à 19h.

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Actu mise à jour le 06-03-2020 / créée le 06-03-2020

Crédit photo : Unsplash