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Les jeunes et l'information : on frôle l'overdose

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Les jeunes et l'information : on frôle l'overdose

Télévision, radio, presse écrite, sites web, réseaux sociaux, l’information est partout, tout le temps. La moitié des Français, et notamment les plus jeunes, se disent saturés et parlent même de fatigue informationnelle. Et vous, où en êtes-vous ?

Guerre en Ukraine, polémiques politiques, changement climatique, condamnations judiciaires à répétition, règlements de compte dans les quartiers : les jours se suivent et se ressemblent. Et pour bon nombre d’entre nous, c’est la saturation. Interrogés par l’observatoire Obsoco, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès et Arte, plus de la moitié des Français parlent de fatigue informationnelle quand l’enquête s’alarme de ce « problème de santé publique et démocratique ». L’essor des nouvelles technologies, symbolisé par l’avènement du smartphone, renforce un phénomène déjà connu et résumé par le terme d’infobésité. Et les jeunes, bien que rompus aux outils numériques, souffrent des mêmes maux que leurs aînés.

Saturation, hyper connexion et multiplication des canaux d’information

Comme le rappellent en préambule les auteurs de l’étude, « en 2005, un Français sur deux (52 %) était connecté, ils sont désormais plus de neuf sur dix (92 %). Il y a dix ans, 17 % possédaient un smartphone, ils sont aujourd’hui 84 % ; 4 % une tablette, ils sont 56 % aujourd’hui ; 23 % étaient sur les réseaux sociaux, ils sont aujourd’hui plus des deux tiers (67 %) ». Dans ces conditions, les sources d’information se démultiplient si bien que les Français utilisent 8,3 canaux différents avec, sans surprise, une surreprésentation des réseaux sociaux, consultés plusieurs fois par jour. « Quelle que soit la catégorie de population ou d’âge, l’hyperconnexion et la surexposition aux informations ne garantissent pas le fait de pouvoir s’informer sans difficulté ni sans conséquence […] Et c’est tout particulièrement le cas […] de cette jeunesse hyperconnectée qui […] semble être au contraire celle qui en souffre le plus. Faute de freins, faute d’hygiène informationnelle, faute d’éducation concrète aux médias ». Résultat, 53 % des Français déclarent souffrir de « fatigue informationnelle » avec cette forte impression d’être abreuvée toute la journée de mêmes infos. Chez les plus « fatigués », 49 % ont peur de manquer une nouvelle importante. C’est le syndrome du FOMO (Fear of Missing Out), soit la peur de manquer quelque chose. Les mêmes avouent d’ailleurs leur difficulté à ne pas cliquer sur certains liens, bien qu’ils sachent pertinemment qu’ils conduisent à des choses bien futiles.

Entre hyper connexion et totale déconnexion, la division règne en France

Néanmoins, et cela peut rassurer, pour 59 % des personnes interrogées, s’informer régulièrement dans les médias demeure « important », et même « très important » pour 20 % d’entre eux. Mais l’enquête distingue cinq profils : les « hyperconnectés épuisés » (17 % de la population), les « défiants oppressés » (35 %), les « hyperinformés en contrôle » (11 %), les « défiants distants » (18 %) et enfin les « NSP-NC », soit les 20 % restant ne se sachant pas ou ne se sentant pas concernés. Le premier groupe rassemble surtout des jeunes, diplômés et urbains, utilisateurs de réseaux sociaux, parfois à outrance. Ce qui explique une forte proportion de fatigués de l’information dans ce groupe. Majoritaire, le second groupe est plutôt féminin et peine à se forger une opinion. Il se trouve souvent en recherche de sources alternatives (fact-checking) et se montre aussi défiant face aux médias que très touché par la fatigue informationnelle. Pour les hyperinformés et les défiants, plutôt masculins, l’enquête relève leur propension à garder le contrôle sur le flux inexorable d’informations. Reste que les défiants se montrent très critiques vis-à-vis des médias, et plus largement de la société, de la démocratie. En manque de liberté, dépourvu de solutions pour leur avenir, ils ne cachent pas leur impuissance face à la marche du monde. Enfin, les 20 % restants habitent des communes périurbaines et se montrent peu consommateurs d’info et pas du tout intéressés par la politique. « Si une majorité de Français s’accordent à dire que le monde autour d’eux change trop vite, et que par ailleurs ils aspirent à ralentir […] le lien entre la fatigue informationnelle, la santé (les risques psychosociaux) et le bien-être est patent. Les personnes souffrant de fatigue informationnelle souffrent aussi plus que les autres de stress, d’anxiété, de déprime, de dépression ou d’addiction. », affirment les auteurs de l’enquête. De là à en conclure que pour vivre heureux, il faut vivre déconnecté, il n’y a qu’un pas qu’ils ne franchissent pas. Et de conclure que l’obésité « consiste à ne pas métaboliser les graisses en énergie, l’“infobésité” nous empêche de métaboliser l’information en connaissance et donc […] en compréhension et décision. Cette situation peut engendrer des processus de recherche à tout prix d’informations alternatives, mais aussi, et surtout la sensation de ne plus rien comprendre à rien, ainsi que le risque de tout bonnement renoncer à s’informer. Le problème peut devenir psychique, il est alors affaire de santé publique. Il peut aussi prendre la forme d’une tentation de retrait, il est alors affaire de démocratie. » Manger mieux en mangeant moins, mieux s’informer en s’informant moins ? L’équilibre semble ici comme ailleurs question de compromis.

La rédaction © CIDJ
Actu mise à jour le 12-09-2022 / créée le 12-09-2022

Crédit photo : Ridofranz - iStock