“ Pour protéger les plus jeunes, notre premier réflexe serait d’interdire GPT. Mais l'interdiction n'est jamais une solution ”

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Photo de Olivier Ertzscheid, maître de conférence à l’université de Nantes

Maître de conférences à l’université de Nantes, Olivier Ertzscheid s’intéresse à tout ce qui touche aux évolutions du numérique. Pour lui, l’utilisation du ChatGPT n’est pas incompatible avec le système scolaire, mais elle doit être accompagnée, dans une démarche pédagogique.

Trois questions à Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur en sciences de l’information et de la communication.

Depuis presque un mois, on ne cesse de découvrir les nouvelles “prouesses” ou erreurs du ChatGPT, souvent  accompagnés de propos alarmistes. Comment ne pas céder à la panique que cette nouveauté suscite au sein du système éducatif ?

En commençant par se souvenir des précédentes paniques, justement. Avant GPT, il y a eu l’arrivée de Wikipédia et l’impression que ça n’allait plus servir à rien de faire cours, que les bibliothécaires allaient disparaître et que les copies des élèves seraient toutes identiques. Et ça a été le même scénario pour l’arrivée des moteurs de recherche. Mais finalement, ça ne s’est jamais produit. Quand une technologie devient accessible au grand public, c’est normal qu’elle effraye. C’est pour cela qu’il faut rapidement en parler avec les élèves, montrer la puissance de l’outil mais aussi ses limites. Car GPT est capable de faire des erreurs :  il mélange par exemple des évènements qui ont eu lieu pendant la Première et la Seconde guerre mondiale. 

Début janvier, l'usage de ChatGPT a été interdit par plusieurs écoles publiques new-yorkaises. Pourquoi fait-on si peu confiance aux élèves pour qu’ils aient une utilisation raisonnée de cet outil ?

C’est une technologie qui secoue les représentations du monde éducatif, et notre premier réflexe pour protéger les plus jeunes, c’est d’interdire GPT. Mais interdire une pratique n’a jamais été une solution. Au contraire, cela donne encore plus envie de la tester. On se paralyse via des peurs anciennes, mais tous les lycéens ne veulent pas tricher. Ils ont, comme nous, le désir de s’en servir. C’est pour cela qu’il faut être là, pour expliquer en quoi cela consiste et ne pas dramatiser la chose. 

Sur votre blog, vous dites que les professeurs vont devoir “revoir la nature de leurs enseignements". Est-ce que vous avez déjà des idées de comment intégrer ChatGPT à vos cours ?

J’ai déjà prévu de l’utiliser pour aborder certains concepts, pour inviter les étudiants à en tester les limites. Par exemple, je vais leur proposer de demander à ChatGPT d’écrire une introduction au prochain cours de culture numérique. Ensuite, on pourra comparer chacune des réponses, la manière dont ils ont posé la question, des informations sont-elles fausses et pourquoi… Ce qui est intéressant, c’est d’essayer de comprendre comment les connaissances sont créées, en comparant les réponses du chat à d’autres sources en ligne. En décomposant la technologie, on gomme le côté “magique” de l’outil. Et même si, à la première utilisation, on est bluffé, on s'aperçoit rapidement des limites. On sait aujourd’hui qu’une nouvelle version est en préparation, qui sera sûrement encore plus extraordinaire que celle-ci. Mais sur plein de sujets, les interactions humaines resteront toujours essentielles et demeurent plus importantes qu’un générateur de texte. 

Propos recueillis par Perrine Basset © CIDJ
Article mis à jour le 28/09/2023 / créé le 16-01-2023