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Entrepreneurs et étudiants : ils racontent leur double vie

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Créer sa première entreprise et étudier en même temps, c’est possible.

Créer sa petite entreprise tout en potassant ses cours, c’est possible. De la quête de financements à la délicate gestion d’un double agenda, 5 étudiants-entrepreneurs expliquent comment ils concilient études et business.

Sans passion, difficile d’entreprendre. À 18 ans, Laura Larivière ne s’en connaissait pas, du moins pour l’entrepreneuriat. Après le bac, elle poursuit dans une école de commerce parisienne qu’elle quitte, en fin de première année. Direction Lyon pour intégrer une école de com. Sur place, elle découvre un établissement dépourvu de bureau des étudiants (BDE). Or, de sa première année à Paris, elle conserve «des souvenirs mémorables» des évènements festifs organisés par l’équipe du BDE. De son soutien au quotidien, aussi. «J’ai décidé d’en inaugurer un de toute pièce. Sans le savoir, ça a été ma première expérience entrepreneuriale», relate la jeune femme.  

L’année suivante, dans le cadre d’un de ses cours de L3, elle doit créer une entreprise fictive. L’occasion de fonder, avec trois camarades de promotion, La Crème Lyonnaise, une agence de communication spécialisée dans le domaine de la restauration. L’idée de conseiller les cafés, bars et restaurants sur leur stratégie de marketing lui plaît bien. Et le projet scolaire de muer en projet d’entreprise. «Cette agence, c’était la V1 de ma société actuelle», souligne l’ancienne étudiante, aujourd’hui à la tête de La Boîte à Cookies, une société conseillant les femmes qui envisagent d’entreprendre.

Un engouement très fort de la jeunesse pour l’entreprise

Comme Laura Larivière, quelques milliers d’étudiants goûtent chaque année aux joies de l’entrepreneuriat. En 2022, 5360 inscrits de l’enseignement supérieur ont franchi le pas dans le cadre du statut national d’étudiant-entrepreneur (SNEE). Une goutte d’eau au regard des près de 3 millions d’étudiants en France? En réalité, il est difficile de quantifier le nombre de jeunes entrepreneurs, beaucoup n’ayant pas forcément recours au SNEE qui reste facultatif et parfois méconnu. 

Une chose est sûre, ce sont les moins de 30 ans qui affichent la plus grande dynamique entrepreneuriale en France. Selon l’IFOP, quils soient chefs dentreprise (26 %), ex-chefs dentreprise (24 %), porteurs de projet (29 %) ou qu’ils aient l’intention de travailler à leur compte (18 %), les jeunes font montre dune plus grande motivation à entreprendre que leurs aînés. Quitte à mener une double vie d’étudiant et d’entrepreneur… ou lart de jongler entre les agendas. «Étudier et entreprendre en même temps, c’est être souvent à 120 %. On sacrifie forcément des sorties, des fêtes», explique Théo Guidoux, fondateur d’AppCom, une application recensant les évènements en région Centre-Val de Loire. Et il sait de quoi il parle : il n’avait que 18 ans lorsqu’il a présenté son projet au maire de sa commune. Passé la satisfaction d’avoir convaincu, le rythme s’est vite corsé en intégrant son école d’ingénieur post-bac. S’il a pu tenir la cadence durant ses cinq années d’études, c’est bien «grâce à la passion». La fondatrice de la société de conseils The Wonders approuve : «Cette double vie demande beaucoup de concessions». Et Fatou Ndiaye d’insister sur la nécessité de «prioriser sur son ou ses projet(s) dans ces circonstances».

Le financement reste la première étape d’un projet

Pour entretenir le feu sacré, encore faut-il un combustible : pour une entreprise, ce sont les fonds. C’est là que le réseau Pépite France, qui regroupe 33 Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PÉPITE) peut servir. Étienne Ginon, étudiant en dernière année d’école notariale à Lyon, en témoigne. À l’âge de 17 ans, il a développé une application de géolocalisation pour le compte de sa propre société, pour s’atteler ensuite à d’autres projets durant ses 5 années de droit. «Globalement je n’allais pas beaucoup en cours, concède le jeune homme aujourd’hui âgé de 26 ans. Je révisais surtout les matières à fort coefficient deux à trois semaines avant les examens». Dans ce laps de temps, il a néanmoins monté un dossier, passé un oral auprès d’un PÉPITE et décroché le diplôme d’étudiant-entrepreneur (D2E).

Outre les aménagements de cours, cette certification donne accès à des formations sur l’entrepreneuriat et met à disposition des locaux. Par ailleurs, Pépite France organise chaque année plusieurs concours permettant d’obtenir des financements jusqu’à 10000 euros. Théo Guidoux, champion de l’édition régionale Centre-Val de Loire en 2021, a empoché la somme maximale, soit de quoi couvrir largement les frais d’enregistrement de sa société (2000 euros). Mais pour le juriste Étienne Ginon, il a fallu aller chercher des capitaux ailleurs pour conserver les salariés qu’il avait embauchés. «Pour lever de l’argent, il faut se montrer convaincant. Et pour cela, je préparais un pitch que je présentais à un maximum d’investisseurs», relate l’entrepreneur-étudiant.

Réseaux sociaux, «crowdfunding» et «business angels»

À l’heure des réseaux sociaux, la recherche d’investisseurs potentiels s’opère souvent derrière un écran. Citant en particulier le «crowdfunding» (financement participatif), l’enseignante-chercheuse en entrepreneuriat Christel Tessier détaille pour le CIDJ, les différentes options mises à disposition des étudiants en quête de sous. Étienne Ginon, toujours lui, a privilégié LE réseau social préféré des professionnels : particuliers, «business angels» («investisseurs providentiels» en français) ou entrepreneurs de la région lyonnaise, ils ont tous été approchés à l’aide de LinkedIn. Avec un certain succès puisque, durant sa troisième année, l’étudiant en droit est parvenu à lever 400000 euros.

Si ses résultats universitaires s’en sont ressentis durant cette «période de stress», il s’est rattrapé par la suite si bien que l’envie de lâcher ses études pour travailler à temps plein comme entrepreneur ne l’a jamais effleuré. Comptant des notaires dans sa famille, Étienne Ginon envisage dans un avenir proche de créer (encore) une nouvelle société dans le domaine du notariat. 

Étudier ou entreprendre, faut-il vraiment choisir?

En dehors de l’aspect strictement financier, la vie d’étudiant-entrepreneur n’est pas de tout repos, en particulier sur le plan psychologique. Constance, 25 ans et étudiante en droit social, en a fait les frais. Pendant le deuxième confinement, cette juriste — alors en troisième année de licence — se lance. Son projet, qui devient rapidement une entreprise, a un nom («Le droit en 5 minutes») et une ambition : conseiller et aider les étudiants. Quelques mois plus tard, elle concrétise en fondant une société d’évènementiel («Juriste Day»), spécialisée dans l’organisation de salons étudiants sur l’orientation autour des métiers du droit. 

«J’ai vraiment rencontré de grosses embûches, car entreprendre en parallèle de ses études, ça ne plaît pas à tout le monde. Même si l’ensemble du corps enseignant n’a pas forcément eu la même réaction, certains professeurs m’ont clairement incité et invité à cesser toutes mes activités entrepreneuriales», explique Constance. «Ça a été très difficile» pour cette étudiante qui n’a pourtant pas revu ses ambitions à la baisse. Bien au contraire. Elle vient de fonder une troisième entreprise, d’édition cette fois, pour réaliser un magazine sur l’orientation («Juriste Mag»).

La crédibilité et la légitimité en question

«Le plus difficile à gérer, c’est d’avoir la casquette “d’étudiante” sans en être une tout à fait. Cela peut compliquer les relations avec certains étudiants, et même susciter des formes de jalousies. Du côté des professionnels, on n’apparaît pas non plus toujours totalement crédible, car on reste étudiant. C’est parfois compliqué de se sentir légitime et d’être pris au sérieux» détaille Constance. Même si cette «double casquette», comme le souligne la juriste, peut être perçue comme «une force».

C’est également l’avis d’Antonin, 29 ans, fondateur d’Ideereka. «Un étudiant, c’est tout mignon, on a envie de l’aider. On demande et on obtient beaucoup plus facilement des conseils. On bénéficie d’accompagnements gratuits, comme celui de Pépite France ou de structures analogues», s’enthousiasme le créateur de cette société spécialisée dans la création de formations et la conception de matériels aidant les personnes en situation de handicap. Et de conclure : «Finalement, c’est beaucoup plus facile d’entreprendre quand on est jeune». À bon entendeur!

Florian Mestres © CIDJ
Article mis à jour le 26-05-2023 / créé le 26-05-2023