Lutter contre le radicalisme : il faut favoriser l’ouverture culturelle

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Photo de Juliette.

À 22 ans, Juliette est en master 2 management et gestion publique à Sciences Po Strasbourg. Les attentats lui ont donné envie d’agir et de lutter contre l’obscurantisme et le radicalisme. Témoignage.

Au moment des attentats de janvier, j’étais en Chine. C’est difficile d’être loin de son pays dans ces moments-là.

J’ai reçu une notification sur mon smartphone qui évoquait des attaques dans les locaux de Charlie Hebdo. Je n’ai pas tout de suite pris la mesure de la gravité de l’événement. Puis, quand j’ai vu défiler le nom des morts, j’ai compris que c’était un attentat.

Je ne pouvais pas imaginer qu’il se passe en France ce type d’événement. J’avais du mal à comprendre. Pour moi, il n’était pas possible que l’on s’attaque à la liberté de la presse. 

Je me suis dit : "Ça y est, nous sommes en guerre"

Le 13 novembre, mon ami qui habite rue Bichat à Paris m’a appelé. Il m’a dit d'allumer la télévision. J’étais avec des amis. Nous nous sommes tous mis à pleurer. 

Nous connaissons bien le quartier où les attentats se sont produits. Nous avons mangé plusieurs fois au restaurant le Petit Cambodge. 

Nous avons regardé les informations jusqu’à 2h du matin. J’ai envoyé des messages à des amis parisiens pour vérifier qu’ils allaient bien.

Le lendemain, j’ai écouté la radio, les larmes continuaient à me monter aux yeux. Je me rendais compte que cette fois-ci les terroristes avaient tiré n’importe où sur n’importe qui. Je me suis dit : "Ça y est, nous sommes en guerre." Mais en même temps, j’avais du mal à le croire. 

Pour notre génération, cette situation, c’est un peu l’inconnu

J’ai 22 ans. Les gens de ma génération ne savent pas vraiment pourquoi il se passe tout ça. On a étudié la guerre de 14-18, la Seconde Guerre mondiale, la Shoah… Mais on a très peu étudié les guerres en Orient, en Irak… Maintenant, j’ai presque honte de ne pas m’être intéressée à ce qui se passait en dehors de l’Europe. 

Lors des attentats de Bruxelles, je n’étais pas si étonnée. J'ai pensé : "On est en guerre et ça va certainement continuer."

Pour notre génération, cette situation, c’est un peu l’inconnu. On se sent un peu impuissants. Avant les attentats, on ne connaissait pas forcément Daech. On se demande pourquoi les dirigeants n’ont pas agi plus tôt. Mais maintenant, c’est comme ça. 

Ces événements me donnent envie d’agir et de lutter contre l’obscurantisme

On n’a pas le choix. Il va falloir agir et je suis prête à le faire. Il faut être ferme sur les valeurs démocratiques extrêmement importantes. Il faut donner la parole à des gens qui ne l’ont pas, soutenir les associations et les organisations qui agissent.

Il faut aussi redonner confiance en la politique. Beaucoup ne croient plus en rien. La montée du Front national me fait peur. Les gens confondent musulmans, réfugiés et terroristes. C’est important d’aller vers ceux qui peuvent être influencés par les extrêmes.

Pour ma part, ces événements me donnent envie d’agir pour lutter contre l’obscurantisme, afin d'éviter que certaines personnes ne penchent vers le radicalisme. 

Lutter contre le radicalisme : la colère, il faut la transformer de façon positive et constructive

Prochainement, je vais travailler pour une fondation artistique dont l’objet est de démocratiser l’accès à la culture, le spectacle vivant notamment. 

Je pense qu’il faut favoriser l’ouverture culturelle, en particulier celle des publics qui n’ont pas accès à la culture. En Italie, par exemple, pour lutter contre le terrorisme, les subventions culturelles ont été augmentées. On ne peut pas faire que sécuriser, il faut aussi penser à ouvrir les esprits grâce à la culture. Je ne pense pas que riposter soit une bonne idée.

La colère, il faut la transformer de façon positive et constructive. Pour cela, il faut agir et commencer à son échelle. 

Notre génération a une pression que nos parents n’avaient pas. Avec la crise, il est difficile de trouver un emploi et maintenant il faut vivre avec les attentats.

Il faut que l’on soit solidaire, sinon on n’y arrivera pas. 

Isabelle Fagotat © CIDJ
Article mis à jour le 03-07-2018 / créé le 08-04-2016