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Énième réforme de l’assurance chômage : les jeunes vont encore trinquer ?
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Troisième réforme de l’assurance chômage en cinq ans. Le Premier ministre a présenté le 26 mai 2024 les nouvelles modalités de l’assurance-chômage qui s’appliqueront le 1ᵉʳ décembre 2024. Un durcissement des conditions d’ouverture de droits et une réduction de la durée d’indemnisation qui va pénaliser en premier lieu les jeunes.
Travailler plus pour être indemnisé moins
Jusque-là, il fallait compter sur une réforme de l’indemnisation chômage tous les deux ans. Mais le gouvernement change de rythme et accélère avec une nouvelle mouture pour 2024, après celles de 2019, 2021 et 2023. Gabriel Attal, le Premier ministre, vient d’en préciser les modalités applicables au 1ᵉʳ décembre 2024 « pour inciter davantage à la reprise d’emploi ». Premier changement d’importance, les conditions d’affiliation deviennent plus contraignantes. Jusqu’ici, pour bénéficier de l’allocation chômage, il fallait avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois. On passera à 8 mois sur les 20 derniers mois. Cumulant moins de mois cotisés, les jeunes (davantage en emplois précaires que leurs aînés), les travailleurs intermittents (job étudiant, job d’été, saisonniers, intérimaires) seront certainement les plus touchés par cette mesure. Bruno Coquet, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estime que ces changements pourraient aussi porter préjudice aux jeunes en début de carrière, alors même que l'assurance-chômage "doit leur permettre d'avoir un revenu lors de leur recherche d'emploi afin de les aider à converger vers un travail stable ». Autre volet de cette réforme, la durée de l’indemnisation maximale passera de 18 mois à 15 mois dans les conditions actuelles, avec un taux de chômage global compris entre 6,5% et 9%. Une durée qui pourrait néanmoins être réduite en vertu du principe de contracyclicité, instauré par la réforme de février 2023 : les droits des chômeurs réduisent à mesure que les offres d'emploi abondent. Le gouvernement entend instaurer un nouveau palier de modulation : si le taux de chômage passe sous la barre de 6,5%, la durée de versement de l’indemnisation chômage baissera de 40%. Enfin, la réforme prévoit aussi de lisser le nombre de jours indemnisables : que les mois fassent 28 jours ou 31 jours, les allocataires toucheraient une allocation basée sur 30 jours. Avec ce principe de mensualisation, les allocataires perdraient entre 5 et 6 jours d’indemnités journalières par an (selon que l’année soit bissextile ou non).
Travailler plus pour dépenser moins
Pour le Premier ministre, cette nouvelle réforme se justifie par les bons résultats du gouvernement obtenus en matière d’emploi. « Nos réformes ont permis de créer 2,5 millions d’emplois et notre taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans » a-t-il rappelé en préambule de ses annonces. Et d’insister sur la nécessité de poursuivre les mesures pour accéder au plein emploi : « Si nous ne réformons pas l'assurance chômage aujourd'hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi. Cette réforme, c'est donc le carburant qui nous permettra de créer toujours plus de travail dans notre pays ». Un avis que ne partagent pas les syndicats. À l’unanimité (CGT, CFDT, CFE-CGC, FO), ils sont vent debout contre cette réforme. Le patronat qui, sans grande surprise, y est favorable, émet toutefois des réserves sur l’extension du bonus-malus pour les contrats courts qui sera discutée ultérieurement. Les Français, eux, se trouvent partagés sur les effets de cette réforme : la moitié d’entre eux jugent ces nouvelles mesures plus incitatives pour retrouver un emploi, mais inefficaces pour réduire le déficit (sondage Elabe réalisé le 2-3 avril 2024). En tout état de cause, ces nouvelles règles feront l’objet d’une publication par décret le 1er juillet 2024 pour une entrée en vigueur cinq mois plus tard. Attention, elles ne concerneront que les nouveaux allocataires. Même si le ministre affirme que « ce n’est pas une réforme d’économie, mais de prospérité et d’activité », cette nouvelle révision permettra de générer, selon un chiffre présenté par le ministère du Travail aux partenaires sociaux, près de 3,6 milliards d’économies. Et remettre 90 000 personnes sur le marché de l’emploi. Combien de jeunes ? Mystère. Entre 2019 et 2023, soit après trois réformes, le taux de chômage des 15-24 ans a marqué un recul sensible, selon l’OCDE. Pour les hommes, c’est une baisse de plus de 2 points et carrément de 6 points pour les femmes. Reste qu’avec un taux à 15,6% pour les jeunes femmes, ça reste deux fois plus élevé que le taux de chômage global français. Celui que le gouvernement retient pour moduler les durées et conditions d’indemnisation…
Josée Lesparre © CIDJ
Actu mise à jour le 05-06-2024
/ créée le 05-06-2024
Crédit photo : Elf-Moondance / Pixabay