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Joueurs professionnels, caster, coach… Les nouveaux métiers du esport

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Joueurs professionnels, caster, coach… Les nouveaux métiers du e-sport

L'esport, qui rassemble ces compétitions de jeux vidéo en réseau, se développe partout dans le monde depuis une dizaine d’années. En France, il a été reconnu officiellement en 2016. A la Paris Games Week, tout un hall était dédié à ces compétitions. L’occasion pour cidj.com de rencontrer ces nouveaux professionnels.

Paris Games week 15h, vendredi 3 novembre. Le hall 3 est déjà bien rempli et la tension est palpable devant la scène principale de l’ESWC (la esport world convention, une structure qui organise des compétitions mondiales de esport). Et pour cause, c’est la coupe du monde de Fifa 18 qui est en train de se jouer. Derrière les deux joueurs, les commentateurs font vivre le match et à chaque attaque, leurs voix s’échauffent et le public s’exalte.

De gamer à joueur professionnel

Champion du monde Fifa, beaucoup de gamers en rêve. A l’instar des plus grands joueurs de foot, de tennis ou encore de handball, le esport aussi a ses champions. Les joueurs professionnels disputent des compétitions dans un jeu vidéo donné et représentent une structure qui l’emploie.

Lucas Cuillerier est l’un de ces sportifs professionnels. Il a été recruté par le PSG esport à seulement 16 ans sur le jeu Fifa et est devenu champion du monde sur Fifa 17 en 2016 à la Paris Games Week. Cette année, il est de nouveau présent au salon du jeu vidéo et revient sur ce qui l’a poussé à se lancer dans une carrière professionnelle. « Il y a 3 ans je devais avoir 12 ou 13 ans, j’ai commencé à jouer à Fifa. Au début je ne pensais pas forcément faire de la compétition c’était plus pour le plaisir, mais finalement j’ai décidé d’en faire et j’ai gagné des tournois » se souvient le jeune homme.

Véritable espoir français du football virtuel pour le jeu Fifa, Lucas est loin d’avoir pris la grosse tête et partage sa vie de joueur pro avec son quotidien de lycéen. « Je divise mon temps entre le lycée et le jeu. La semaine je vais au lycée, je fais mes devoirs et je joue un petit peu quand j’ai le temps. Les weekends je prends 90% de mon temps pour jouer à Fifa ».

Aujourd’hui il est de nouveau présent à la Paris Games Week pour remettre en jeu son titre de champion du monde. Dimanche 5 novembre il a réalisé l’exploit, encore jamais fait, de gagner, pour la deuxième année consécutive, les championnats du monde sur Fifa 18. Il a battu (5-4) en finale l’Allemand Cody (qui représentait le FC Bâle) et conserve donc son titre. Quand on lui demande comment il envisage la suite de sa carrière, Lucas reste lucide. « Ça va dépendre de mes performances. Plus j’arriverai à gagner, plus j’irai loin. Et le jour où je prendrais ma retraite de joueur professionnel j’aimerais bien devenir commentateur ou même entraineur, ce serait vraiment bien ».

Les conseils de Lucas Cuillerier dit « DaXe » pour devenir un joueur pro

« Le conseil que je pourrais donner est de beaucoup travailler son mental parce qu’avec ce jeu on fait surtout travailler la tête. Ensuite il est important de ne jamais baisser les bras et de rester motiver à fond. Aussi selon moi il est essentiel d’apprendre des autres joueurs. Par exemple moi j’ai beaucoup regardé les compétitions et les championnats du monde. Et enfin avoir le soutien de ses proches, parce que ça valorise beaucoup ».

Le statut de joueur professionnel dorénavant encadré juridiquement

La reconnaissance officielle du e-sport est très récente et est très importante parce qu’elle a donné, en 2016, un caractère légal aux compétitions de jeu vidéo. Comme l’explique Julien Lopez, juriste spécialiste dans le e-sport, « en 2015 il existait un risque pour certaines compétitions de jeu vidéo d’être requalifiées en loterie et jugées illégales en France. Fin 2015, dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, un amendement proposait de faire une exception pour les compétitions de jeu vidéo. Une loi a permis cette exception pour les compétitions de jeu vidéo et éviter qu’elles soient requalifiées en loteries ».

Après avoir reconnu le e-sport, le gouvernement a créé un statut de joueur professionnel de jeu vidéo. « Pour ça ils ont regardé ce qu’il se faisait avec les contrats de sportifs professionnels. Le gouvernement a mis en place une législation pour encadrer ces contrats sportifs et l’a calquée pour les joueurs professionnels de jeu vidéo. Le contrat qui prévaut quand on est joueur pro c’est le CDD » explique Julien Lopez.

Devenir commentateur de compétitions de e-sport

Devenir commentateur sportif, c’est le choix qu’a fait Axel Acquarone connu sous le pseudonyme Zulua. Son nouveau job ? Commenter des compétitions de jeux vidéo. Il est devenu ce que l’on appelle dans le milieu du e-sport un "caster". « Il y a deux ans j’ai pris la décision d’arrêter ma carrière. Je commence à être un peu plus âgé. La passion de la compétition a été présente pendant 10 ans et puis je me suis dit j’ai fait mon temps, j’ai gagné des trophées, j’ai fait le tour ».

Agé de 28 ans, il a donc mis sa carrière de joueur professionnel de côté pour devenir caster, il y a quelques mois. Mais quel est la mission d’un caster ? « Le but pour le caster est d’expliquer avec des mots simples ce qu’il se passe à l’écran pour un public qui ne connait pas forcément le jeu » explique Zulua. L’objectif est de « clarifier une action et d’expliquer aux spectateurs pourquoi ce joueur a fait une belle action et dans quelle mesure la difficulté est présente ou pas dans le jeu ».

Sans avoir suivi de formation particulière, c’est son expérience en tant que joueur professionnel qui a permis à Zulua d’accéder au métier de caster. Pour continuer à en vivre, se constituer un réseau est essentiel. « Je suis caster depuis pas longtemps. Ça commence à prendre. On m’invite sur des salons et j’en profite pour prendre des contacts et j’espère pouvoir continuer dans cette voie-là ».

Les conseils de Zulua pour être un bon caster

« Le but est d’arriver à gérer ses émotions tout en arrivant à faire passer quelque chose. C’est assez difficile surtout quand on est sur une grande scène avec 3 000 personnes devant nous. Des fois je m’emballe parce que l’action va très vite. Ma locution est moins bonne et pourtant il faut arriver à maitriser tout ça et surtout il faut réussir à condenser ce qu’on voit à l’écran en faisant des analyses rapides donc avoir un esprit de synthèse ».

E-sport : des métiers émergeants

Les métiers du e-sport et le esport de manière générale sont de plus en plus encadrés et commencent à émerger en France. De nombreux autres métiers existent comme les coach, c’est-à-dire les entraineurs de joueurs professionnel, les streameurs, des joueurs qui se filment en train de jouer sur une plateforme de vidéos en ligne. Mais aussi tous les métiers qui gravitent autour de l’organisation de compétitions de jeu vidéo, comme les community manager, les chefs de projet évènementiel, le sponsoring ou encore la communication autour du lancement d’un jeu vidéo.

Certaines écoles proposent des formations pour accéder à ces métiers spécialisés. C’est notamment le cas de l’Isefac Bachelor qui propose une filière e-sport et gaming. « Il s’agit de formations pour les métiers liés au marketing, à la communication et à tout ce qui tourne autour du joueur professionnel » explique Alexandre Faburel, responsable de la filière. « La formation e-sport existe depuis cette année. On a rebondi sur le fait que le secteur du jeu vidéo est la deuxième industrie de biens culturels en France et nous pensons que le jeu vidéo va être un gros pourvoyeur d’emplois. Comme l’Etat a légiféré sur le statut de joueur professionnel on pense que ça va se développer dans les années à venir ».

Conscient des métiers qui se développent dans ce secteur et de ceux qui se créeront dans les années à venir, l’établissement de formation propose des bachelors reconnus par l’Etat. « Ils s’agit de titres certifiés à bac +3 donc équivalent à une licence universitaire » explique Alexandre Faburel. Pour lui pas de doute, le secteur du jeu vidéo et du e-sport est « un vrai secteur en devenir ». Comptez tout de même entre 4 000 à 7 000 € l’année.

 

Marine Ilario © CIDJ
Article mis à jour le 04-12-2018 / créé le 06-11-2017