Hommes / femmes : “Les esprits sont formatés dès la maternelle”

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Hommes / femmes : “Les esprits sont formatés dès la maternelle”

Les métiers ont-ils un sexe ? Pourquoi les femmes, pourtant plus diplômées que les hommes, sont-elles si peu nombreuses aux postes à responsabilité ? Élisabeth Ferro-Vallé, ingénieure à l’Afnor et auteure de Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : comprendre et agir, apporte des éléments de réponse. Interview du 22 novembre 2012

Existe-t-il des métiers spécifiquement masculins ou féminins ?

Non ! Selon la loi, femmes et hommes peuvent accéder à tous les métiers. Mais en réalité 50,6 % des emplois occupés par les femmes sont aujourd’hui concentrés dans 12 familles de métiers sur les 87 existantes, essentiellement les métiers de service.

Les femmes seraient-elles moins diplômées que les hommes ?

Non, bien au contraire ! 51 % des femmes sortent diplômées du supérieur, contre 31 % des garçons. D’ailleurs, lorsqu’elles intègrent un secteur dit masculin, comme le bâtiment, elles y entrent plus souvent à des postes d’agent de maîtrise ou de cadre qu'à des postes d’ouvrière.

Alors, comment expliquer la faible présence des femmes
dans certains métiers ?

Les filles manquent de modèles de réussite pour se projeter dans certains métiers. Dès la maternelle, à travers les livres et les jeux, les esprits sont formatés ! De plus, l'accessibilité au monde passe aussi par le langage. Or, quand tout est écrit au masculin, comment une fille peut-elle se projeter dans l'avenir ?

D'ailleurs, il est à noter que la plupart des femmes qui s’orientent vers un métier traditionnellement masculin sont issues de familles où les enfants sont tous des filles, ou dont le père exerce déjà le métier.

Comment attirer les femmes vers d’autres secteurs ?

En réalité, il est relativement facile d’attirer des femmes dans des métiers traditionnellement masculins, parce qu'il s'agit de métiers souvent très valorisés. Cela dit, des études montrent que, lorsque les métiers se féminisent (médecin ou magistrat, par exemple), les rémunérations, même si elles restent élevées, ont tendance à baisser…

À l’inverse, les entreprises arrivent à attirer des hommes dans des secteurs traditionnellement féminins en professionnalisant les postes. Ainsi, certaines retravaillent l’intitulé d’un poste ou le contenu d'une formation, offrent des temps pleins ou proposent des possibilités d’évolution.

Plus on monte dans la hiérarchie, moins les femmes sont présentes. Comment l'expliquez-vous ?

C’est lié à ce que l’on appelle le “plafond de verre” et la “paroi de verre”.

Le plafond de verre est une barrière invisible qui empêche les femmes d’atteindre les postes de top management. Cette barrière est créée d'abord par les préjugés et les stéréotypes, tels que “On ne peut pas nommer une femme parce qu'elle risque de tomber enceinte", ou bien “Les femmes sont trop sensibles, pas assez poigne de fer”, etc.

Quand elles atteignent finalement des postes de management, les femmes se retrouvent dans des secteurs moins centraux, comme les RH ou la communication. La paroi de verre les empêche alors de se déplacer vers des services plus stratégiques comme la finance ou le développement produit.

Enfin, les Canadiens parlent du stick floor, le “plancher collant”, pour désigner les freins que les femmes se mettent elles-mêmes. “Si j’ai ce poste, je vais devoir me rendre plus disponible, rester tard au bureau…”  Résultat : elles s’autocensurent et ne postulent pas.

Quels conseils donner aux jeunes en réflexion sur leur orientation ?

Filles ou garçons, ne vous freinez pas ! Ne vous mettez pas de barrières ni d’œillères. Ouvrez votre champ ! Profitez de l’expérience des pionnières et des pionniers. Allez voir les femmes et les hommes qui ont osé franchir ces barrières infondées qui existent encore dans les mentalités. Discutez avec eux, demandez-leur conseil. Cela vous évitera de tomber dans les mêmes écueils et de vous décourager !

Valérie François © CIDJ
Article mis à jour le 21-05-2018 / créé le 22-11-2012