Après attentat : des jeunes mobilisés pour le vivre-ensemble

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Plusieurs photos de garçons et de filles.

Suite aux attentats du 13 novembre, étudiants et lycéens ont voulu exprimer leurs émotions et faire passer un message de paix. Vidéos, dessins, débats, lettre au président de la République... Présentation de projets qui ont touché un large public.

Le lendemain des attentats du 13 novembre, Bérengère et Salomé, en première au lycée de l’image et du son d’Angoulême (Lisa), ont réalisé et diffusé une vidéo pour exprimer leur indignation et leur soutien aux victimes. 

Nadjib, étudiant toulousain et membre de l’association EMF (Étudiants musulmans de France), a diffusé une vidéo de solidarité intitulée #NousSommesUnis

Les élèves d'une classe de seconde au lycée Victor Hugo de Marseille ont écrit une lettre au président de la République pour exprimer leur colère et leurs inquiétudes.

À Oloron-Sainte-Marie (64), Anaïs et Marie, en terminale au lycée professionnel du 4 Septembre, ont organisé des débats dans leur établissement et dans un autre lycée de la ville.

Margaux, étudiante à l’École Estienne, a mis en ligne le projet Drawings for Peace invitant ceux qui le souhaitaient à réaliser un dessin pour la paix.

Des vidéos pour exprimer sa solidarité

Après les attentats, Bérengère a choisi de faire passer son message sur Internet : "J’ai eu besoin d'en parler. J’ai réalisé une vidéo pour toucher un maximum de personnes. J’ai demandé à Salomé si elle voulait la réaliser avec moi puis à d’autres élèves s’ils souhaitaient participer. Beaucoup voulaient s’exprimer. D’autres, qui avaient perdu des proches, ne pouvaient pas car c’était trop dur d’en parler." 

"Les attentats m’ont laissé sans voix, raconte Nadjib. J’ai eu besoin de réaliser une vidéo pour essayer de retranscrire de manière visuelle et sonore des émotions difficile à exprimer." Il propose à ses amis membres, comme lui, d’EMF de participer. Sur la vidéo, on les voit à tour de rôle tenir la pancarte #NousSommesUnis, tandis que Nadjib fait part de ses émotions : "La France est plongée dans le chaos et l’effroi et, moi, je reste sans voix (…) Verser le sang d’un innocent ne répond à aucune loi. J’ai mal à ma France."

Des dessins pour la paix

Étudiante en art, Margaux a choisi le dessin : "Après les attentats de Charlie Hebdo, des étudiants de l’École Estienne ont créé une page Tumblr et un fanzine pour diffuser des dessins de solidarité. Le lendemain des attaques du 13 novembre, j’ai eu aussi envie de faire quelque chose. J’ai décidé de créer une page Tumblr pour publier des dessins qui exprimaient un message de paix. J’ai souhaité que le projet ait une portée internationale et que les gens dessinent pour la paix dans le monde. Je l’ai intitulé Drawings for Peace."

Une lettre pour dire ses inquiétudes

À Marseille, les élèves de la classe de seconde 5 du lycée Victor Hugo sont eux aussi bouleversés par les attentats. Ils ont peur des amalgames et décident de l'exprimer dans une lettre adressée à François Hollande. "La plupart des élèves du lycée sont de confession musulmane, explique Seta Kilndjian, leur professeur. Beaucoup d’entre eux ont été choqués et se sont sentis blessés par ces actes. Ils se sentaient impuissants. Alors ils ont eu envie de se faire entendre par le biais de cette lettre."

"Il fallait réagir, raconte Adem, élève de la classe. On ne pouvait pas rester sans rien faire. On a eu envie d’en parler pour montrer que les terroristes n’ont pas gagné."

"On a eu besoin de dire que l’on ne s’associe pas à ce genre de choses et de faire comprendre aux gens que le terrorisme n’est pas une religion", poursuit Tadjidine.

"Nous souffrons et nous voulons combattre l’amalgame entre les terroristes et les musulmans. Nous n’avons aucun point commun avec eux. Ces terroristes n’ont pas de réelle religion que celle de la violence, de la haine et de l’intolérance", dit la lettre.

Des débats pour lutter contre les amalgames

C’est aussi pour combattre les amalgames qu’Anaïs et Marie décident d’agir. "On était devant le lycée en train de fumer une cigarette. Et là, on a entendu des lycéens tenir des propos racistes, raconte Anaïs. On s’est dit que l’on ne pouvait pas laisser passer ça, qu’il fallait en discuter pour lutter contre les amalgames."

Elles en parlent ensuite à leurs professeurs et au proviseur, qui acceptent et décident de les faire intervenir dans plusieurs classes. 

Un écho positif 

L’initiative d’Anaïs et de Marie est bien accueillie par les élèves du lycée. Tous soulignent l'importance d'avoir pu en parler ensemble, en classe. Certains relèvent que, grâce à ces discussions, ils ont mieux compris le contexte du terrorisme. Les échos sont tellement positifs que le CPE (conseiller principal d'éducation) d’un lycée agricole de la ville propose aux deux jeunes filles d’intervenir dans son établissement. 

Après avoir mis en ligne leur vidéo, Bérengère et Marie ont eu, elles aussi, plusieurs retours positifs. "Des élèves du lycée, des professeurs et des membres de nos familles nous ont remerciés. Ça leur a fait du bien que l’on en parle à leur place", explique Bérengère. "C’est bien ce qu’elles ont fait, de se servir de ce qu’elles apprennent en cours pour s’exprimer"poursuit Thierry Roul, le proviseur du Lisa.

Trois jours après les attentats, la vidéo #NousSommesUnis, diffusée sur YouTube, affichait plus de 400 000 vues. "Elle a été largement relayée sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, parce qu’elle retranscrivait, je pense, l’état émotionnel dans lequel les Français étaient plongés à ce moment-là", analyse Nadjib.

Agir pour la liberté, la paix, le vivre-ensemble

Le point commun de ces initiatives est qu'elles témoignent toutes de l’envie d’agir, de se battre pour la paix, la liberté et le vivre-ensemble dans le respect et la tolérance.

"Ils voulaient affaiblir la France, ils ont renforcé le cœur des Français. Un cri se fera plus fort, celui de la fraternité", dit la vidéo #NousSommesUnis.

"Ce que l’on voudrait dire surtout malgré cette atrocité (…), c’est qu’il faut absolument ne pas perdre espoir", interpelle Salomé dans la vidéo. "Il ne faut pas laisser tomber, on ne va pas perdre un combat contre ces gens-là. On va continuer à aller au café, aux concerts… On va continuer à vivre comme avant", poursuit Bérengère.

Continuer à se mobiliser aujourd'hui...

Plusieurs semaines après les attentats, la détermination est toujours aussi grande. "On veut quelque chose de mieux pour la France et pour le monde, une société meilleure où les gens seraient plus solidaires et où le terrorisme n’existerait pas. Il faut faire en sorte d’éviter que ça se reproduise et faire prendre conscience aux gens qu’ils ne doivent pas faire d’amalgame", insiste Salomé. 

"Il faut rester optimiste et continuer à faire passer notre message sur les réseaux sociaux", poursuit Tadjidine.

"Suite aux attentats de Bruxelles, plusieurs personnes ont envoyé des dessins. C’est important de s’exprimer sur Internet. Nous sommes dans une démocratie. Si nous disons à quoi nous aspirons, c’est une façon de faire avancer les choses", rappelle Margaux.

... Et demain

Une fois leurs études terminées, tous veulent continuer à faire avancer les choses. Si Nadjib souhaite devenir professeur des écoles, Marie veut travailler dans l’humanitaire pour "se sentir utile". Quant à Anaïs, elle envisage de devenir infirmière dans l’armée pour "partir en mission dans des pays pauvres, aider les gens avec les moyens disponibles sur place et aller à la rencontre d’autres cultures". Bérengère envisage de devenir réalisatrice : "À travers mes films, je veux faire passer des messages engagés. L’art et le cinéma peuvent faire évoluer les gens sur certains sujets comme le racisme, le respect des autres ou l’égalité." 

De nombreuses actions dans les médias collégiens et lycéens
"Que ce soit après les attentats de Charlie Hebdo ou ceux du 13 novembre, les élèves des collèges et des lycées ont eu besoin de s’exprimer. Il y a eu beaucoup de productions dans toute la France, qu’il s’agisse de manifestations spontanées, de caricatures, de dessins ou d’émissions de Web TV", analyse Eric Schweitzer, formateur audiovisuel en éducation et médias au Centre de Liaison de l'Enseignement et des Médias d'Information (Clemi).

Isabelle Fagotat © CIDJ
Article mis à jour le 03-07-2018 / créé le 19-04-2016